Théorie des groupes/Caractères irréductibles de quelques groupes

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Modèle:Chapitre

Dans ce chapitre, on va déterminer les -caractères irréductibles de quelques groupes finis.

Comme les -caractères irréductibles d'un groupe fini G ont été définis à partir des -représentations irréductibles de G, on pourrait croire que pour connaître explicitement les -caractères irréductibles de G, il « suffit » de connaître explicitement, à équivalence près, les -représentations irréductibles de G et de calculer leurs caractères. En réalité, il est souvent plus facile d'expliciter les -caractères irréductibles de G que de trouver un système complet de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes de G[1]. Cependant, même la détermination des caractères irréductibles ne se laisse pas décrire en quelques mots et des raisonnements adaptés à chaque cas sont souvent nécessaires[2].

On verra ici que certains théorèmes démontrés antérieurement (relations d'orthogonalité, théorèmes sur les degrés), joints au traitement relativement facile des caractères de degré 1, permettent, dans des cas simples, de déterminer tous les -caractères irréductibles d'un groupe fini donné.

Table des caractères

En pratique, un groupe fini G étant donné, on procède à la détermination des -caractères irréductibles de G en construisant ce qu'on appelle la table des -caractères de G (mais qu'il serait plus exact d'appeler la table des -caractères irréductibles de G).

On choisit une numérotation K1,,Kh des classes de conjugaison de G et une numérotation, habituellement χ1,,χh, des -caractères irréductibles de G. (Le nombre h des classes de conjugaison est aussi le nombre de -caractères irréductibles, comme on l'a vu.)

On forme alors un tableau carré de h lignes et h colonnes, où le coefficient se trouvant dans la i-ième ligne et la j-ième colonne sera χi(Kj) (une fois qu'on le connaîtra). Donc la i-ième ligne explicite le caractère χi. Nous dirons que ce tableau carré est la table des -caractères proprement dite de G (ce n'est pas une dénomination standard).

Habituellement, on prend pour K1 la classe de conjugaison réduite à l'élément neutre du groupe et on prend pour χ1 le caractère trivial de degré 1 de G (dont toutes les valeurs sont égales à 1). Nous numéroterons les caractères de degré 1 avant les autres. On pourrait convenir qu'un caractère χ non réel (c'est-à-dire ne prenant pas partout des valeurs réelles) et son conjugué complexe χ¯ seront affectés à des lignes consécutives, mais on verra dans les exemples que cela ne correspond généralement pas à la façon la plus naturelle de procéder.

À la table proprement dite, on peut ajouter trois lignes, que nous appellerons lignes de titre (dénomination non standard), formées comme suit : dans la première ligne de titre, on indique au-dessus de la j-ième colonne la classe de conjugaison Kj ou un représentant de cette classe; dans la seconde ligne de titre, on ajoute au-dessus de la j-ième colonne le nombre d'éléments de la classe Kj; dans la troisième ligne de titre, toujours en j-ième position, on indique l'ordre |G|/|Kj| du centralisateur de n'importe quel élément de Kj. La seconde et la troisième ligne de titre facilitent l'usage des relations d'orthogonalité. À gauche de la i-ième ligne (i = 1, ... , h) de la table proprement dite, on écrit simplement « χi ». Quand nous parlerons d'une colonne de la table des caractères, il s'agira toujours d'une colonne de la table proprement dite. Quand nous parlerons d'une ligne de la table, sans préciser que c'est une ligne de titre, il s'agira d'une ligne de la table proprement dite.

On parle de « la » table des -caractères (irréductibles) de G, mais la table proprement dite dépend en fait de la numérotation K1,,Kh et de la numérotation χ1,,χh, donc elle n'est définie qu'à permutation près des lignes et des colonnes.

Caractères complexes de degré 1

Soit Y un ensemble, soit Y' un ensemble contenant Y. Si f est une application d'un ensemble X dans Y, nous définirons ici l'extension de f à Y' comme l'application de X dans Y' qui a partout la même valeur que f. Si h est une application d'un ensemble X dans Y', si l'image de h est contenue dans Y, nous définirons ici la corestriction de h à Y comme l'application de X dans Y qui a partout la même valeur que h. Ces définitions ne sont pas standard.

Soit G un groupe fini. Il est clair que tout caractère de degré 1 de G est irréductible.
Notons Hom(G,×) l'ensemble des homomorphismes de G dans le groupe multiplicatif × des nombres complexes non nuls.

Modèle:Théorème Démonstration. On a vu au chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité (exemple 3° avant le théorème 5) que si f est un homomorphisme de G dans ×, l'application xf(x):G (extension de f à l'ensemble tout entier) est un caractère de degré 1 de G. Notons ici χf ce caractère. Puisque f est la corestriction de χf à {0}, l'application fχf de Hom(G,×) dans l'ensemble des caractères de degré 1 de G est injective.
Prouvons qu'elle est surjective. Soit χ un caractère de degré 1 de G; il s'agit de prouver qu'

(thèse 1) il existe un homomorphisme f de G dans × tel que

f et χ aient le même graphe. Puisque χ est un caractère de degré 1 de G, il existe une représentation matricielle ρ de degré 1 de G dont χ est le caractère. Autrement dit, il existe un homomorphisme ρ de G dans GL(1, tel que, pour tout élément x de G,

(2) χ(x)=Tr(ρ(x)).

Puisque ρ est un homomorphisme de G dans GL(1,, il existe un (et un seul) homomorphisme f de G dans × tel que, pour tout x dans G, ρ(x)=(f(x)), où (f(x)) désigne la matrice carrée de taille 1 dont l'unique coefficient est f(x). La trace de cette matrice est f(x), donc d'après (2),

χ(x)=f(x),

ce qui prouve la thèse (1).

Comme il y a peu de différence entre une application de G dans × et l'extension de cette application à , on dit volontiers que les caractères complexes de degré 1 de G sont assimilables aux homomorphismes de G dans ×, ou même que les caractères complexes de degré 1 de G sont les homomorphismes de G dans ×.

En raison de ce fait, les caractères de degré 1 de G sont aussi appelés les caractères linéaires de G.

Modèle:Théorème Démonstration. C'est une conséquence immédiate de l'énoncé précédent.

Rappelons le théorème suivant (chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés, théorème 35) :

Soit G un groupe fini; G est abélien si et seulement si tout -caractère irréductible de G est de degré 1.

Soit G un groupe fini, non forcément abélien. Compte tenu de l'énoncé 1 (selon lequel les caractères de degré 1 de G sont assimilables aux homomorphismes de G dans ×), les résultats du chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes permettent de déterminer les caractères de degré 1 de G.

Table des caractères d'un groupe fini abélien

Soit G un groupe fini abélien. D'après ce qui précède, les caractères de G sont les homomorphismes de G dans C×, donc la table des caractères de G se construit facilement à l'aide des résultats du chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes.

Prenons d'abord pour G un groupe cyclique d'ordre n. Choisissons un générateur a de G, c'est-à-dire un élément d'ordre n de G. Choisissons aussi une racine primitive n-ième de l'unité, c'est-à-dire un élément d'ordre n de C×, soit ρ. On peut numéroter C1, ... , Cn les classes de conjugaison de G, avec, pour tout j, Cj=aj1. Pour chaque i dans {1, ... , n}, il existe un et un seul homomorphisme χi de G dans C× qui applique a sur ρi1 et ce sont là tous les homomorphismes de G dans C×, autrement dit tous les caractères de G. Si on dresse la table des caractères de G à partir de cette numérotation des classes de conjugaison et des caractères, le coefficient qui se trouve sur la i-ième ligne et la j-ième colonne est ρ(i1)(j1), où l'exposant (i-1) (j-1) peut évidemment être remplacé par son reste par n.
Par exemple (cas n = 4), la table des caractères d'un groupe cyclique d'ordre 4 ayant un générateur a peut être présentée comme suit :

g :1aa2a3|CG(g)|:4444|Cl(g)|:1111χ11111χ21ρ1ρχ31111χ41ρ1ρ,

où Cl() désigne la classe de conjugaison et où ρ est une des deux racines primitives quatrièmes de l'unité, autrement dit une des deux racines de ρ2=1. (On voit que χ2 et χ4 sont conjugués complexes, ce qui montre que, dans la façon la plus naturelle de procéder, deux caractères complexes conjugués ne sont généralement pas sur des lignes consécutives.)

Prenons maintenant pour G un groupe fini abélien non cyclique, par exemple un produit direct interne de deux groupes d'ordre 3. On peut donc trouver deux éléments a et b d'ordre 3 de G tels que G=a×b. Pour chacun des 9 couples (λ,μ) de nombres complexes tels que λ3=μ3=1, il existe un et un seul homomorphisme de G dans C× qui applique a sur λ et b sur μ. Choisissons une des deux racines primitives troisièmes de l'unité, autrement dit une des deux racines de ρ2+ρ+1=0 dans . Les couples (λ,μ) sont alors (1,1),(1,ρ),(1,ρ2),(ρ,1),(ρ,ρ),(ρ,ρ2),(ρ2,1),(ρ2,ρ),(ρ2,ρ2) et la table des caractères de G peut être présentée comme suit :

g :1aa2baba2bb2ab2a2b2|CG(g)|:999999999|Cl(g)|:111111111χ1111111111χ2111ρρρρ2ρ2ρ2χ3111ρ2ρ2ρ2ρρρχ41ρρ21ρρ21ρρ2χ51ρρ2ρρ21ρ21ρχ61ρρ2ρ21ρρρ21χ71ρ2ρ1ρ2ρ1ρ2ρχ81ρ2ρρ1ρ2ρ2ρ1χ91ρ2ρρ2ρ1ρ1ρ2,

ρ2 pourrait évidemment être écrit 1ρ.

Table des caractères du groupe alterné A4

Nous venons de voir que la construction de la table des caractères d'un groupe fini abélien est une tâche assez triviale.
Nous construirons la table des caractères des groupes diédraux dans la suite du présent chapitre et la table des groupes dicycliques dans les exercices. Parmi les groupes finis qui ne sont ni abéliens, ni diédraux ni dicycliques, occupons-nous de celui qui a le plus petit ordre, c'est-à-dire le groupe alterné A4.
On désignera par 14 l'élément neutre de A4, c'est-à-dire la permutation identique de {1, 2, 3, 4}.
Nous avons vu dans les exercices de la série Groupes alternés que le groupe A4 a exactement 4 classes de conjugaison, représentées respectivement par les éléments 14, (1 2 3), (1 3 2) et (1 2) (3 4), les cardinaux respectifs de ces classes étant 1, 4, 4 et 3. La table, encore à compléter, se présentera donc comme suit :
g :14(1 2 3)(1 3 2)(1 2)(3 4)|CG(g)|:12334|Cl(g)|:1443χ11111χ2χ3χ4.

D'après le chapitre Groupes alternés, A4 est d'ordre 12 et d'après un exercice de la série Commutateurs, groupe dérivé, son dérivé est le groupe de Klein V = {14, (1 2) (3 4), (1 3) (2 4), (1 4) (2 3)}. Le groupe quotient A4/D(A4) est donc d'ordre 3. Comme (1 2 3) est un élément d'ordre 3 de A4 et n'appartient pas à D(A)4 = V, il est clair que (1 2 3) V est un élément d'ordre 3 de A4/V. Autrement dit, A4/D(A4) est un groupe cyclique d'ordre 3 admettant (1 2 3) V pour générateur. D'après le chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes, les homomorphismes de A4 dans × prennent la valeur neutre en chaque élément de V et s'obtiennent de la façon suivante : pour chacune des trois racines cubiques λ de l'unité dans , il existe un et un seul homomorphisme de A4 dans × qui applique (1 2 3) sur λ et ce sont là les trois seuls homomorphismes de A4 dans ×. Puisque (1 2) (3 4) appartient à V, les trois homomorphismes considérés prennent la valeur 1 en (1 2) (3 4). D'autre part, la valeur d'un de ces homomorphisme en (1 3 2) est l'inverse de sa valeur en (1 2 3). Cela nous fournit les trois caractères de degré 1 de A4 et nous pouvons donc préciser la deuxième et la troisième ligne de la table :
g :14(1 2 3)(1 3 2)(1 2)(3 4)|CG(g)|:12334|Cl(g)|:1443χ11111χ21ρρ21χ31ρ2ρ1χ4,
ρ est choisie parmi les deux racines primitives cubiques de l'unité dans .
Il nous reste à déterminer le caractère χ4, le seul qui n'est pas de degré 1. Si nous désignons par d le degré de χ4, nous avons (Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés)
12+12+12+d2=12
donc le degré de χ4 est égal à 3. La table se présente donc comme suit :
g :14(1 2 3)(1 3 2)(1 2)(3 4)|CG(g)|:12334|Cl(g)|:1443χ11111χ21ρρ21χ31ρ2ρ1χ43xyz,
x, y et z sont des nombres complexes à déterminer. (En fait, nous savons déjà que ce sont des nombres réels, puisqu'il n'y a qu'un caractère irréductible de degré 3.)
Pour trouver les valeurs de x, y et z, nous allons utiliser la seconde relation d'orthogonalité ( Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité). Rappelons que cette relation s'énonce comme suit :

Soit G un groupe fini, soient χ1,,χh les différents -caractères de G, soient K, K' des classes de conjugaison d'éléments de G. Alors

i=1kχi(K)χi(K)={|G||K| si K=K,0 si KK.

Cela peut encore s'écrire

i=1kχi(K)χi(K)=δK,K |G||K|,

δ est le symbole de Kronecker.

La seconde relation d'orthogonalité peut donc être considérée comme liant deux à deux les colonnes de la table des caractères. Dans le cas qui nous occupe (G = A4), prenons d'abord pour K la classe correspondant à la 2-ième colonne et pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne. Nous trouvons ainsi

1+ρ+ρ2+3x=0

d'où (puisque 1+ρ+ρ2=0)

x = 0.

En prenant maintenant pour K la classe correspondant à la 3-ième colonne et en prenant toujours pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne, nous trouvons

1+ρ2+ρ+3y=0

d'où, de même,

y = 0.

En prenant maintenant pour K la classe correspondant à la 4-ième colonne et en prenant toujours pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne, nous trouvons

1 + 1 + 1 + 3z = 0,

d'où z = - 1. Nous pouvons donc achever la table comme suit :

g :14(1 2 3)(1 3 2)(1 2)(3 4)|CG(g)|:12334|Cl(g)|:1443χ11111χ21ρρ21χ31ρ2ρ1χ43001.

Au lieu de la seconde relation d'orthogonalité, nous aurions pu utiliser la première (qui peut être considérée comme liant deux à deux les lignes de la table). Si, pour tout j dans {1, 2, 3, 4}, Kj désigne la classe de conjugaison correspondant à la j-ième colonne de la table, si pour tout i dans {1, 2, 3, 4}, χi désigne le caractère correspondant à la i-ième ligne de la table, la première relation d'orthogonalité (chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité) peut s'écrire

j=1h|Kj|  χi(Kj)  χi(Kj)=δi,i |G|

pour tous i, i' dans {1, 2, ... , h}, δi,i désignant le symbole de Kronecker dans . En faisant i = 4 et, successivement, i' = 1, i' = 2, i' = 3, on obtient un système de trois équations linéaires en x, y et z dont l'unique solution est x = y = 0, z = -1. Il se fait que, dans le cas particulier du groupe A4, la seconde relation d'orthogonalité est d'un usage un peu plus rapide que la première.

Caractères irréductibles des groupes diédraux

On va maintenant déterminer les -caractères irréductibles du groupe diédral D2n d'ordre 2n, pour tout nombre naturel n non nul. Nous allons cette fois déterminer d'abord un système de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes et nous calculerons leurs caractères. (Comme signalé plus haut, ce n'est généralement pas la façon la plus simple de déterminer les -caractères irréductibles d'un groupe fini donné.)

Pour déterminer les -caractères de degré 1 de D2n, ce qui revient à déterminer les homomorphismes de D2n dans ×, on pourrait utiliser un énoncé du chapitre Groupes diédraux intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe diédral », mais on va suivre la méthode plus générale indiquée dans une précédente section du présent chapitre.

Supposons d'abord n impair.
D'après les exercices sur les groupes diédraux, le dérive D'2n de D2n est l'unique sous-groupe cyclique d'ordre n de D2n et est donc d'indice 2 dans D2n. D'après la section « Caractères complexes de degré 1 » ci-dessus et le chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes, les ×-caractères de degré 1 de D2n sont les homomorphismes composés

gφ,

φ désigne l'homomorphisme canonique de D2n sur D2n/D'2n et où g parcourt les homomorphismes de D2n/D'2n dans ×.
Puisque D2n/D'2n est d'ordre 2, il y a exactement deux homomorphismes de D2n/D'2n dans ×, à savoir l'homomorphisme constant de valeur 1 et l'homomorphisme qui applique (l'élément neutre de D2n/D'2n sur 1 et) l'élément non neutre de D2n/D'2n sur -1. Le groupe D2n a donc exactement deux ×-caractères de degré 1, tout d'abord le caractère χ1 constant de valeur 1, puis le caractère χ2, qui applique tout élément de D'2n sur 1 et tout élément de D2nD'2n sur -1.
Choisissons un générateur a du groupe cyclique D'2n et un élément b de D2nD'2n. Donc (chapitre Groupes diédraux) a est d'ordre n, b est d'ordre 2, b n'appartient pas à <a> et b a b-1 (= b a b) = a-1.
D'après un exercice de la série Groupes diédraux, les classes de conjugaison de D2n sont en nombre n+32 et peuvent être numérotées K1,K2,Kn+32, où

K1=1,K2={b,ab,,an1b} et Ki={ai2,an(i2)} pour 3in+32.

Le nombre des -représentations irréductibles de D2n deux à deux non équivalentes est donc n+32, ce qui revient à dire que les -caractères irréductibles de D2n sont en nombre n+32.
Les -caractères irréductibles de D2n peuvent donc être numérotés χ1,χ2,χ3,,χn+32, où χ1 et χ2 sont les deux caractères de degré 1 déjà décrits et où χ3,,χn+32 sont de degrés 2.
Pour tout i dans {1,,n+32}, désignons par di le degré de χi. Nous avons donc d1=d2=1 et di2 pour tout i3.
Si, pour un i3, nous avions di>2 , nous aurions

d12+d22+d32+dn+322>2+(n+322)4,

c'est-à-dire

d12+d22+d32+dn+322>2n=|D2n|,

ce qui contredit un théorème du chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés. Nous avons donc

di=2 pour tout i3

(ce qui, cette fois, concorde avec le théorème en question).
Puisque nous avons déjà trouvé les deux -caractères de degré 1 de D2n et que ces caractères peuvent être assimilés aux représentations de degré 1 auxquelles ils correspondent (en assimilant une matrice carrée de taille 1 à son unique coefficient), il nous reste à trouver n+322=n12 -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de D2n.
Posons

ϵ=e2πin=cos2πn+isin2πn

(où i2=1 dans ).
Donc ϵ est une racine primitive n-ième de l'unité, c'est-à-dire un élément d'ordre n du groupe multiplicatif ×, et engendre le sous-groupe de × formé par les n racines n-ièmes de l'unité.
Désignons par A la matrice

A=(ϵ00ϵ1)

et par B la matrice

B=(0110).

D'après les propriétés des matrices diagonales, nous avons, pour tout j dans ,

Aj=(ϵj00ϵj) et (Aj)n=1.

Le calcul montre que

B2=1

(d'ailleurs, étant donné une base d'un -espace vectoriel de dimension 2, B est la matrice dans cette base de l'automorphisme qui permute les deux vecteurs de la base).
De plus,

BAjB1=BAjB=B(ϵj00ϵj)B=(ϵj00ϵj)=(Aj)1.

Donc, d'après le chapitre Groupes diédraux, énoncé intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe diédral », il existe, pour chaque j dans , un et un seul homomorphisme Tj de D2n dans GL(2,) qui applique a sur Aj et b sur B. Cet homomorphisme Tj est une -représentation matricielle de degré 2 de D2n.
Prouvons que si j parcourt les nombres 1,2,n12, les représentations Tj sont irréductibles et deux à deux non équivalentes.
Prouvons d'abord qu'elles sont irréductibles.
Soit V un -espace vectoriel de dimension 2, soit (v1,v2) une base de V. Notons Uj la -représentation vectorielle de D2n dans V correspondant à Tj via la base (v1,v2). Il s'agit de prouver que Uj est irréductible.
Soit v=c1v1+c2v2, avec c1,c2, un vecteur de V tel que le sous-espace v de V soit invariant par le groupe linéaire Uj(D2n). Il s'agit de prouver que v est nul.
Tout d'abord, v est invariant par l'automorphisme de V ayant Aj pour matrice dans la base (v1,v2) de V, autrement dit par l'automorphisme de V qui applique v1 sur ϵj v1 et v2 sur ϵj v2, donc le vecteur c1v1+c2v2 et le vecteur c1ϵjv1+c2ϵjv2 sont proportionnels, donc

c1c2c1ϵjc2ϵj=0,
c1c2 11ϵjϵj=0,
c1c2 (ϵjϵj)=0.

Puisque 1jn12, j et j ne sont pas congrus modulo n, donc ϵj=ϵj, donc c1c2 est nul, donc

c1 ou c2 est nul.

Ensuite,  v est invariant par l'automorphisme de V ayant B pour matrice dans la base (v1,v2) de V, autrement dit par l'automorphisme de V qui applique v1 sur v2 et v2 sur v1, donc le vecteur c1v1+c2v2 et le vecteur c2v1+c1v2 sont proportionnels, donc

c1c2c2c1=0,
c12c22=0.

Puisqu'on a vu qu'un au moins des nombres c1,c1 est nul, ceci entraîne qu'ils le sont tous les deux, donc v est nul, ce qui prouve que la représentation Tj est irréductible.
Prouvons maintenant que si j et j sont distincts dans {1,2,n12}, alors Tj et Tj ne sont pas équivalentes.
Il suffit de prouver qu'elles n'ont pas le même caractère et pour cela, il suffit de prouver que leurs caractères diffèrent en a. Autrement dit, il suffit de prouver que Tr(Tj(a))=Tr(Tj(a)) c'est-à-dire

Tr(Aj)=Tr(Aj).

On a noté que Aj=(ϵj00ϵj) (et de même pour j'), donc il s'agit de prouver que

ϵj+ϵj=ϵj+ϵj.

Puisque ϵ=e2πin=cos2πn+isin2πn, la thèse peut s'écrire

cosj2πn+isinj2πn+cos(j2πn)+isin(j2πn)=cosj2πn+isinj2πn+cos(j2πn)+isin(j2πn)
2cosj2πn=2cosj2πn
cosj2πn=cosj2πn,

ce qui est bien vrai, car deux nombres réels ont le même cosinus si et seulement si leur somme ou leur différence appartient à 2π, ce qui n'est pas le cas des deux nombres réels j2πn et j2πn (puisque j≢j(modn) et j≢j(modn)).

Voici une seconde démonstration, plus purement algébrique, reposant seulement sur le fait que ϵ est une racine primitive n-ième de l'unité (et non forcément la racine e2πi/n).
Supposons qu'on ait

ϵj+ϵj=ϵj+ϵj.

Alors ϵjϵj=ϵj+ϵj, donc

ϵjϵj est l'opposé de son nombre complexe conjugué,
donc ϵjϵj est un nombre purement imaginaire,

ce qui revient à dire que ϵj et ϵj ont la même partie réelle. On a donc

ϵj=a+bi et ϵj=a+ci

pour certains nombres réels a, b et c.
Puisque ϵj et ϵj sont tous deux de valeur absolue 1, il faut a2+b2=1=a2+c2, d'où b2=c2, b=± c, donc ϵj et ϵj sont égaux ou conjugués, ce qui revient à dire que ϵj est égal à ϵj ou à ϵj. Donc jj ou j+j est divisible par n, ce qui est incompatible avec les hypothèses sur j et j.

On a donc prouvé que T1,,Tn12 sont n12 -représentations irréductibles de degré 2 de D2n, deux à deux non équivalentes. Comme on l'a noté, il en résulte que ces représentations, jointes aux deux représentations de degré 1, forment un système complet de représentantes des classes de -représentations irréductibles de D2n.
Les n+32 -caractères irréductibles de D2n sont donc les caractères de ces n+32 représentations. La table des caractères de D2n peut donc être présentée comme suit (dans le cas n impair):

g :1baa2...an12|CG(g)|:2n2nn...n|Cl(g)|:1n22...2χ11111...1χ21111...1χ320ϵ+ϵ1=2cos2πnϵ2+ϵ2=2cos4πn...ϵn12+ϵn+12=2cos(n1)πn.....................χk+220ϵk+ϵnk=2cos2kπnϵ2k+ϵ2k=2cos4kπn+...ϵn12k+ϵn12k=2cos(n1)kπn.....................χn+3220ϵn12+ϵn12=2cos(n1)πnϵn1+ϵ(n1)=2cos2(n1)πn...ϵ(n12)2+ϵ(n12)2=2cos(n1)2π2n

On notera que les valeurs de la table sont toutes réelles. En particulier, on trouve en faisant n = 3 que la tables des caractères d'un groupe diédral d'ordre 6 (par exemple S3) peut se présenter comme suit :

g :1ba|CG(g)|:623|Cl(g)|:132χ1111χ2111χ3201.

(Pour la valeur χ3(a)=1, on peut noter que si ϵ est une racine primitive cubique de 1, alors ϵ+ϵ1=1. On peut aussi utiliser la relation classique cos2π3=12.)

Passons au cas où n est pair. Choisissons de nouveau dans D2n un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 tels que b n'appartienne pas à a et que bab1(=bab)=a1.
D'après les exercices sur les groupes diédraux, problème intitulé « Dérivé et suite centrale d'un groupe diédral », le dérivé D'2n de D2n est le sous-groupe a2, qui est d'ordre n/2.
On en tire que le groupe quotient D2n/D'2n (abélianisé de D2n) est un groupe de Klein, produit direct des deux sous-groupes (d'ordre 2) a¯ et b¯, où la barre désigne la classe modulo D'2n=a2. Les quatre éléments de D2n/D'2n sont 1,a,b,ab.
D'après des résultats rappelés plus haut, il en résulte qu'il y a exactement quatre homomorphismes de D2n/D'2n dans ×, à savoir les applications f1,f2,f3,f4 définies par

f1(1¯)=1,f1(a¯)=1,f1(b¯)=1,f1(ab)=1;
f2(1¯)=1,f2(a¯)=1,f2(b¯)=1,f2(ab)=1;
f3(1¯)=1,f3(a¯)=1,f3(b¯)=1,f3(ab)=1;
f4(1¯)=1,f4(a¯)=1,f4(b¯)=1,f4(ab)=1.

Donc (section Caractères de degré 1), D2n a exactement quatre caractères de degré 1, à savoir χ1,χ2,χ3 et χ4 définis comme suit :

χ1 est la constante 1;
χ2(g)=1 pour ga,χ2(g)=1 pour g∉a;
χ3(g)=1 pour ga2 et pour ga2b, χ3(g)=1 pour ga2a=aa2 et pour ga2ab=aba2b;
χ4(g)=1 pour ga2 et pour ga2ab=aba2b, χ4(g)=1 pour ga2a=aa2 et pour ga2b.

D'autre part, d'après les exercices sur les groupes diédraux, problème intitulé « Classes de conjugaison d'un groupe diédral », les différentes classes de conjugaison de D2n sont

{1},{an/2},
{a,an1},{a2,an2},,{an21,an2+1},
{b,a2b,,an2b},
et {ab,a3b,,an1b}.

En particulier, le nombre des classes de conjugaison est n/2 + 3.

Puisque nous avons déjà trouvé les quatre -caractères de degré 1 de D2n et que ces caractères peuvent être assimilés aux quatre -représentations de degré 1 de D2n, il nous reste à trouver n/2 + 3 - 4 = n/2 - 1 -représentations irréductibles de degré > 1, deux à deux non équivalentes, de D2n.
Soient d5,,dn2+3 les degrés de ces représentations. D'après un théorème du chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés,

4+d52++dn2+32=|D2n|=2n

avec dk2 pour tout k5.
Si un des dk était > 2, on aurait

4+d52++dn2+32>4+(n21) 4=2n,

contradiction. Donc

d5,,dn2+3 sont tous égaux à 2.

Il nous reste donc à trouver n/2 - 1 -représentations irréductibles de D2n, de degré 2 et deux à deux non équivalentes.
Comme dans la solution du cas n impair, posons

ϵ=e2πin=cos2πn+isin2πn

(où i2=1 dans ),
désignons par A la matrice

A=(ϵ00ϵ1)

et par B la matrice

B=(0110).

La même démonstration que dans le cas n impair prouve que, pour tout entier rationnel j, il existe un et un seul homomorphisme, soit Tj, de D2n dans GL(2,) qui applique a sur Aj et b sur B. L'homomorphisme Tj est une -représentation matricielle de degré 2 de D2n. Les Tj se réduisent évidemment à T0,T1,,Tn1.
Dans la démonstration du cas n impair, on a en fait prouvé que (quelle que soit la parité de n) si j est un nombre naturel tel que 1j et 2j<n, la représentation Tj est irréductible. Donc, dans le cas où n est pair,

les représentations T1,,Tn21 sont irréductibles.

Prouvons qu'elles sont deux à deux non équivalentes. Ici encore, il suffit de noter que, dans la démonstration du cas n impair, on a en fait prouvé (quelle que soit la parité de n) que si j, j' sont deux différents nombres naturels tels que 1j,j et 2j,2j<n, les représentations Tj et Tj sont non équivalentes.
Nous avons donc trouvé n/2 - 1 -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de D2n. Comme noté, elles forment avec les quatre -représentations de degré 1 un système complet de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes de D2n.

Numérotons les classes de conjugaison de la façon suivante :

K1={1},
Kj={aj1,an(j1)} pour 2jn2,
Kn2+1={an/2},
Kn2+2=a2b,
Kn2+3=a2ab.

Nous avons déjà numéroté χ1,χ4 les caractères de degré 1 de D2n. Pour 5kn2+3, désignons par χk, et aussi par ψk4, le caractère de la représentation Tk4 et calculons les valeurs de χk.
Pour 1jn2+1, nous avons

χk(Kj)=χk(aj1)
χk(Kj)=Tr(Tk4(aj1))
χk(Kj)=Tr(ϵ(k4)(j1)00ϵ(k4)(1j))
χk(Kj)=ϵ(k4)(j1)+ϵ(k4)(1j)

De plus, toujours pour k5,

χk(Kn2+2)=χk(b)
χk(Kn2+2)=Tr(0110)
χk(Kn2+2)=0

et

χk(Kn2+3)=χk(ab)
χk(Kn2+3)=Tr(Ak4B)
χk(Kn2+3)=Tr(0ϵk4)ϵ4k0)
χk(Kn2+3)=0.

Donc, dans le cas n pair, la table des caractères de D2n peut se présenter comme suit :

K :{1}{a,an1}{a2,an2}...{an21,an2+1}{an2}a2ba2ab|G|/|K|:2nnn...n2n44| K|:122...21n2n2χ1111...1111χ2111...1111χ3111...(1)n21(1)n211χ4111...(1)n21(1)n211ψ1=χ52ϵ1+ϵ1ϵ2+ϵ2...ϵn21+ϵ1n2ϵn2+ϵn200ψ2=χ62ϵ2+ϵ2ϵ4+ϵ4...ϵn2+ϵ2nϵn+ϵn00...........................ψn21=χn2+32ϵn21+ϵ1n2ϵn2+ϵ2n...ϵ(n21)2+ϵ(n21)2ϵn2(n21)+ϵn2(n21)00

Ici encore, on peut noter que toutes les valeurs de la table sont réelles. On trouvera dans les exercices une caractérisation des groupes finis possédant cette propriété.

En faisant n = 4 (et en tenant compte que, dans ce cas, ϵ=i avec i2=1, d'où ϵ+ϵ1=0 et ϵ2+ϵ2=2), nous trouvons que la table des caractères de D8 est

K :{1}{a,a3}{a2}{b,a2b}{ab,a3b}|G|/|K|:84844| K|:12122χ111111χ211111χ311111χ411111χ520200

On déterminera dans les exercices les caractères irréductibles des groupes dicycliques et on verra que le groupe dicyclique d'ordre 8 (groupe des quaternions) a la même table de -caractères que celle qu'on vient de trouver pour le groupe diédral d'ordre 8 (abstraction faite de la première ligne de titre). Puisque ces deux groupes ne sont pas isomorphes (voir le chapitre Groupes dicycliques), il en résulte que deux groupes finis qui ont la même table de -caractères ne sont pas forcément isomorphes.

Notes et références

Modèle:Références

Modèle:Bas de page

  1. I.M. Isaacs, Character Theory of Finite Groups, réimpr. Dover, 1994, p. 18.
  2. I.M. Isaacs, Character Theory of Finite Groups, réimpr. Dover, 1994, p. 18.