Voir la source de Fonctions convexes/Applications de l'inégalité de Jensen

{{Chapitre
  | idfaculté = mathématiques  
  | numéro    = 3  
  | précédent = [[../Fonctions convexes dérivables/]]
  | suivant   = [[../Épigraphe d'une fonction convexe/]]
  | page_liée = Exercices/Sur l’inégalité de Jensen
  | niveau    = 15
}}
L’inégalité de [[w:Johan Jensen|Jensen]] est une généralisation de l’inégalité de convexité à plusieurs nombres. Elle permet de démontrer des inégalités portant sur des expressions faisant intervenir plusieurs nombres, comme la comparaison entre la moyenne arithmétique et la moyenne géométrique de plusieurs nombres. La plupart de ces inégalités seraient délicates à démontrer autrement.
__TOC__
{{Clr}}

== Préliminaire ==

Rappelons le théorème démontré au [[Fonctions convexes/Définition et premières propriétés|premier chapitre]] et connu sous le nom d’inégalité de Jensen.
{{théorème
  | titre = Théorème
  | contenu =
Soit ''f'' une fonction convexe définie sur un intervalle ''I'' de ℝ. Alors, pour tout (''x''<sub>1</sub>, ''x''<sub>2</sub>, … , ''x<sub>n</sub>'') ∈ ''I{{exp|n}}'' et pour toute famille (λ<sub>1</sub>, λ<sub>2</sub>, … , λ<sub>''n''</sub>) ∈ (ℝ<sub>+</sub>)<sup>''n''</sup> telle que λ<sub>1</sub> + λ<sub>2</sub> + … + λ<sub>''n''</sub> = 1, on a :

<math>f\left( \sum_{i=1}^n\lambda_i x_i \right)\leqslant \sum_{i=1}^n\lambda_i f(x_i)</math>.
}}

Nous avons aussi le corollaire immédiat suivant :

{{corollaire
  | contenu =
Soit ''f'' une fonction convexe définie sur un intervalle ''I'' de ℝ. Alors, pour tout (''x''<sub>1</sub>, ''x''<sub>2</sub>, … , ''x<sub>n</sub>'') ∈ ''I{{exp|n}}'', on a :

<math>f\left( \sum_{i=1}^n\frac{x_i}n \right)\leqslant \sum_{i=1}^n\frac{f(x_i)}n</math>.
}}

Il suffit de poser λ<sub>1</sub> = λ<sub>2</sub> = … = λ<sub>''n''</sub> = 1/''n'' dans le théorème de Jensen.
Nous allons voir plusieurs applications de l’inégalité de Jensen.

== Application 1 : Comparaison entre moyenne géométrique et moyenne arithmétique ==

{{propriété
  |contenu ={{Wikipédia|Inégalité arithmético-géométrique}}
Soient <math>x_1,x_2,\dots,x_n</math>, <math>n</math> réels strictement positifs.

On a :

<div style="text-align: center;"><math>\sqrt[n]{x_1\dots x_n}\le\frac{x_1+\dots+x_n}n</math>.</div>

Autrement dit la moyenne géométrique est toujours inférieure à la moyenne arithmétique.
}}

{{démonstration
  |contenu =
La fonction <math>-\ln</math> est convexe car <math>-\ln''(x) = \frac 1{x^2}>0</math>.

En appliquant le corollaire, on obtient :

<math>\begin{align}
-\ln\left( \sum_{i=1}^n \frac{x_i}n \right) \leqslant \sum_{i=1}^n \frac{-\ln(x_i)}n 
&\Leftrightarrow  \sum_{i=1}^n \frac{\ln(x_i)}n  \leqslant \ln\left( \sum_{i=1}^n \frac{x_i}n \right) \\
&\Leftrightarrow  \sum_{i=1}^n \ln\left(x_i^{\frac 1n}\right) \leqslant \ln\left( \sum_{i=1}^n \frac{x_i}n \right) \\
&\Leftrightarrow  \ln\left( \prod_{i=1}^n x_i^{\frac 1n} \right)  \leqslant \ln\left( \sum_{i=1}^n \frac{x_i}n \right) \\
&\Leftrightarrow  \left( \prod_{i=1}^n x_i \right)^{\frac 1n}  \leqslant \frac 1n \sum_{i=1}^n x_i
\end{align}</math>

}}

== Application 2 : Comparaison entre moyenne arithmétique et moyenne quadratique ==

{{propriété
  |contenu =
<math> \forall n \in \N^* \qquad  \forall p \in \N^* \qquad \forall (x_1,\cdots,x_n) \in (\R_+)^n \qquad \sum_{k=1}^n \frac{x_k}n \leqslant \left(\frac 1n \sum_{k=1}^n x_k^p \right)^{\frac 1p} </math>
}}
{{démonstration
  |contenu =
Considérons la fonction <math>f</math> définie par :

<math> \forall x \in \R \qquad f(x)=x^p </math>

On a alors :

<math> f''(x)=p(p-1)x^{p-2} </math>.

Par conséquent, <math>f</math> est convexe.

En appliquant le corollaire, on obtient :

<math> \left(\sum_{k=1}^n \frac{x_k}n \right)^p\leqslant \sum_{k=1}^n \frac{x_k^p}n </math>

et en élevant les deux membres à la puissance 1/p, on obtient :

<math> \sum_{k=1}^n \frac{x_k}n \leqslant \left(\frac 1n \sum_{k=1}^n x_k^p \right)^{\frac 1p} </math>.
}}

{{remarque
  | contenu ={{Wikipédia|Moyenne quadratique}}
Si l’on pose <math>p = 2</math> dans la formule précédente, on obtient

<math> \sum_{k=1}^n \frac{x_k}n \leqslant \sqrt{\frac 1n \sum_{k=1}^n x_k^2} </math>.

Le second membre représente la moyenne quadratique des <math>x_k</math>. Par conséquent, compte tenu de l’application 1, on peut dire que la moyenne arithmétique est toujours comprise entre la moyenne géométrique et la moyenne quadratique. C’est-à-dire que :

<math> \left( \prod_{k=1}^n x_k\right)^\frac 1n \leqslant \frac{\sum_{k=1}^n x_k}n \leqslant \sqrt{\frac 1n \sum_{k=1}^n x_k^2} </math>.
}}

== Application 3 : démonstration de l'inégalité de Hölder ==
L'inégalité de Young ci-dessous — donc aussi de celle de Hölder, qui s'en déduit — n'est pas une application de celle de Jensen mais une application directe de l'inégalité de convexité (début du {{chap.}}1).

{{Théorème|titre=Inégalité de Young|contenu={{Wikipédia|Inégalité de Young}}
Soient <math>p,q\in\R_+^*</math> tels que
<div style="text-align: center;"><math>\frac1p+\frac1q=1</math>.</div>
Pour tous réels positifs <math>u</math> et <math>v</math>,
<div style="text-align: center;"><math>uv\le\frac{u^p}p+\frac{v^q}q</math>.</div>
}}

{{Démonstration déroulante|contenu=
En appliquant l’inégalité de convexité à <math>f=-\ln</math>, <math>a=u^p>0</math>, <math>b=v^q>0</math> et <math>\lambda=\frac1p</math>, on obtient :
:<math>-\ln\left(\frac{u^p}p+\frac{v^q}q\right)\le-\ln u-\ln v</math>
qui équivaut à la formule annoncée.
}}

{{Corollaire|titre=Inégalité de Hölder|contenu ={{Wikipédia|Inégalité de Hölder}}
Si <math>0<p,q<+\infty</math> et
<div style="text-align: center;"><math>\frac1p+\frac1q=\frac1r</math></div>alors, pour toutes suites <math>a</math> et <math>b</math> de réels positifs,
<div style="text-align: center;"><math>\left(\sum_{n\in\N}\left(a_nb_n\right)^r\right)^{1/r}\le\left(\sum_{n\in\N}{a_n}^p\right)^{1/p}\left(\sum_{n\in\N}{b_n}^q\right)^{1/q}</math>.</div>
}}

{{Démonstration déroulante|contenu=Sans perte de généralité, on peut supposer que les deux facteurs de droite sont non nuls et finis et même (par [[w:Fonction homogène|homogénéité]]) égaux à <math>1</math>.

En appliquant l'inégalité de Young<div style="text-align: center;"><math>uv\le\frac{u^{p'}}{p'}+\frac{v^{q'}}{q'}\quad\mathrm{\grave a}\quad u=a_n^r,~v=b_n^r,~p'=\tfrac pr,~q'=\tfrac qr\quad(\tfrac1{p'}+\tfrac1{q'}=1),</math></div>on obtient, pour tout <math>n\in\N</math>,<div style="text-align: center;"><math>\left(a_nb_n\right)^r\le\frac{{a_n}^p}{p'}+\frac{{b_n}^q}{q'}</math></div>(avec égalité si et seulement si <math>{a_n}^p={b_n}^q</math>).

En sommant, on a donc bien<div style="text-align: center;"><math>\sum_{n\in\N}\left(a_nb_n\right)^r\le\tfrac1{p'}\sum{a_n}^p+\tfrac1{q'}\sum{b_n}^q=\tfrac1{p'}+\tfrac1{q'}=1=1^{\frac rp}1^{\frac rq}=\left(\sum{a_n}^p\right)^{r/p}\left(\sum{b_n}^q\right)^{r/q}</math>,</div>avec égalité si et seulement si <math>a^p=b^q</math>.
}}

== Application 4 : forme intégrale de l'inégalité de Jensen ==
{{Théorème|contenu=
Soient
*<math>(\Omega,\mathcal A,\mu)</math> un [[Théorie de la mesure/Mesures|espace mesuré]] tel que <math>\mu(\Omega)=1</math>,
*<math>g</math> une fonction <math>\mu</math>-intégrable à valeurs dans un intervalle réel <math>I</math> et
*<math>f</math> une fonction convexe de <math>I</math> dans <math>\R</math>.
Alors,
<div style="text-align: center;"><math>f\left(\int_{\Omega}g~\mathrm d\mu\right) \le \int_\Omega f\circ g\, \mathrm d\mu</math>,</div>
l'intégrale de droite pouvant être égale à <math>+\infty</math>.
}}

La forme discrète de l’inégalité de Jensen {{supra|Préliminaire}} correspond au cas particulier où <math>g</math><math></math> ne prend qu'un ensemble fini ou [[Introduction aux mathématiques/Rudiments de combinatoire#Ensembles dénombrables|dénombrable]] de valeurs. Inversement, la forme intégrale peut se déduire de la forme discrète par des arguments de densité (à comparer avec l'[[../Exercices/Sur l’inégalité de Jensen|exercice 1.4]]). Mais on peut aussi en donner une preuve directe :

{{Démonstration déroulante|contenu=
Notons <math>m</math> l'intégrale de <math>g</math>. Alors, <math>m\in I</math>.

Si <math>m</math> est une extrémité de <math>I</math>, la fonction <math>g</math> est constante [[w:Ensemble négligeable|presque partout]] et le résultat est immédiat.

Supposons donc que <math>m</math> est intérieur à <math>I</math>. Dans ce cas (propriété 10 du {{chap.}}1) il existe une minorante affine de <math>f</math> qui coïncide avec <math>f</math> au point <math>m</math> :

<div style="text-align: center;"><math>\forall x\in I\quad f(x)\ge\alpha x+\beta\text{ et }f(m)=\alpha m+\beta.</math></div>

Composer cette minoration par <math>g</math>, qui est intégrable et à valeurs dans <math>I</math>, permet non seulement de montrer que l'intégrale de <math>f\circ g</math> est bien définie dans <math>\left]-\infty,+\infty\right]</math> (celle de sa [[w:Partie positive et partie négative d'une fonction|partie négative]] étant finie), mais aussi d'établir l'inégalité désirée par simple intégration :

<div style="text-align: center;"><math>\int f\circ g\,\mathrm d\mu\ge\int(\alpha g+\beta)\,\mathrm d\mu=\alpha m+\beta\mu(\Omega)=\alpha m+\beta=f(m)</math>.</div>
}}

On déduit entre autres de ce théorème une forme intégrale de l'inégalité de Hölder qui, de même, généralise l'inégalité de Hölder discrète ci-dessus : cf. [[../Exercices/Sur l’inégalité de Jensen#Exercice 1-5|Exercice 1-5]].

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