Voir la source de Corps locaux/Introduction, nombres p-adiques

{{Chapitre
  | idfaculté = mathématiques
  | numéro    = 1
  | précédent = [[../|Sommaire]]
  | suivant   = [[../Équivalence rationnelle, Théorème de Hasse-Minkowski/]]
  | niveau    = 17
}}

Nous allons ici donner la construction des nombres ''p''-adiques. L’idée générale est fort simple : il s'agit tout simplement de donner un sens à une série du type <math>\sum_{n=0}^{\infty}a_np^n</math>.

Les nombres ''p''-adiques ont été introduits à la fin du {{s|19}} par [[w:Kurt Hensel|Kurt Hensel]]. Ils ont depuis trouvé une place cruciale au sein de la théorie des nombres. Nous donnons ici une construction algébrique élémentaire des nombres ''p''-adiques.

== Anneau des entiers ''p''-adiques ==
On se donne un [[nombre premier]] <math>p</math>.

{{Définition
  | contenu ={{Wikipédia|Nombre p-adique|Nombre ''p''-adique}}
On appelle entier ''p''-adique toute suite <math>(x_n)_{n\ge0}</math> de <math>\Z</math>, vérifiant <math>\forall n\ge0\quad x_{n+1}\equiv x_n\pmod{p^{n+1}}</math>.

Par définition, nous dirons que deux entiers ''p''-adiques <math>(x_n)_{n\ge0}</math> et <math>(y_n)_{n\ge0}</math> sont égaux si <math>\forall n\ge0\quad y_n\equiv x_n\pmod{p^{n+1}}</math>.

On note <math>\Z_p</math> l’ensemble des entiers ''p''-adiques.
}}

Notons qu'en fait dans notre définition nous avons tout simplement quotienté un ensemble de suites par une [[Relation (mathématiques)/Relation d'équivalence|relation d'équivalence]].

Pour une définition plus moderne et plus compacte, mais nullement nécessaire ici, on peut remarquer que la famille d'anneaux <math>\Z/p^n\Z</math> munie des projections naturelles <math>\Z/p^q\Z\to\Z/p^r\Z</math> pour <math>q\ge r</math> forme un système projectif. L'anneau <math>\Z_p</math> est alors la [[w:Limite projective|limite projective]] <math>\lim_{\leftarrow}\Z/p^n\Z</math>.

Cette définition a le mérite de munir canoniquement <math>\Z_p</math> d'une topologie, la topologie projective, [[Topologie générale/Espace topologique#Exemples classiques d'espaces topologiques|induite]] par la [[Topologie générale/Espace produit|topologie produit]]. Néanmoins nous munirons, « à la main », <math>\Z_p</math> d'une topologie dite ''p''-adique qui coïncide avec la topologie projective.

{{Propriété
  | contenu =
On définit sur <math>\Z_p</math> les deux opérations suivantes :
* <math>(x_n)_{n\ge0}+(y_n)_{n\ge0}=(x_n+y_n)_{n\ge0} </math> ;
* <math>(x_n)_{n\ge0}(y_n)_{n\ge0}=(x_ny_n)_{n\ge0}</math>.

Muni de ces deux opérations, <math>\Z_p</math> est un [[Anneau (mathématiques)|anneau]] commutatif d'élément unité <math>(1,1,\dots)</math>.

L'application <math>\left\{\begin{matrix}
\Z && \longrightarrow &&\Z_p\\
n && \longmapsto && (n,n,\dots)
\end{matrix}\right.</math>
est un [[w:Plongement|plongement]] d'anneau de <math>\Z</math> dans <math>\Z_p</math> ; on peut donc identifier <math>\Z</math> au sous-anneau des suites constantes de <math>\Z_p</math>. Pour éviter toute confusion, nous ferons référence aux entiers de <math>\Z</math> sous le nom d'entiers rationnels.
}}

Nous avons une représentation très utile des entiers ''p''-adiques, qu’il ne faut pas hésiter à utiliser car « elle fait bien comprendre ce qui se passe ».

{{Propriété
  | contenu =
Pour tout entier ''p''-adique <math>(x_n)_{n\ge0}</math>, il existe une suite <math>(\overline{x_n})_{n\ge0}\in\{0,1,\dots,p-1\}^\N</math> telle que
:<math>\forall n\ge0\quad x_n\equiv\sum_{i=0}^n\overline{x_i}p^i\pmod{p^{n+1}}</math>.

C'est-à-dire que les suites <math>(x_n)_{n\ge0}</math> et <math>\left(\sum_{i=0}^n\overline{x_i}p^i\right)_{n\ge0}</math> définissent le même entier ''p''-adique.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
Il suffit de considérer les restes des divisions euclidiennes <math>x_n=qp^{n+1}+r_n</math>.

Comme <math>r_n</math> est strictement inférieur à <math>p^{n+1}</math>, il admet une décomposition dans la base <math>p</math> de la forme :<math>r_n=\sum_{i=0}^nr_n^ip^i</math>.

Comme <math>x_n\equiv x_{n+1}\pmod{p^{n+1}}</math>, on en déduit <math>r_n\equiv r_{n+1}\pmod{p^{n+1}}</math>, ce qui donne par une simple récurrence, pour <math>0\le i\le n</math>, <math>r_n^i=r_{n+1}^i</math>. En posant <math>\overline{x_i}=r_n^i</math> pour n’importe quel <math>n\ge i</math>, on a bien le résultat attendu.
}}

On peut donc écrire tout entier ''p''-adique comme <math>\sum_{n=0}^{\infty}a_np^n</math>, où <math>0\le a_n\le p-1</math>, en gardant à l'esprit que cette série représente en fait la suite de ses sommes partielles. Néanmoins, il n'y a aucun danger à manipuler les entiers ''p''-adiques comme des sommes infinies formelles. Nous verrons plus bas que tout nombre ''p''-adique est la limite de la série <math>\sum_{n=0}^{\infty}a_np^n</math> qui le définit, la limite étant prise pour la norme ''p''-adique.

Nous allons maintenant caractériser les unités de <math>\Z_p</math> nous allons voir qu’il existe un critère extrêmement simple pour savoir si un entier ''p''-adique est inversible dans <math>\Z_p</math>.

{{Propriété
  | contenu =
Soit <math>x=(x_0,x_1,\dots)</math> un entier ''p''-adique, alors <math>x</math> est inversible si et seulement si <math>x_0\not\equiv0\pmod p</math>.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
Supposons que <math>a</math> soit une unité, on a <math>a=(a_0, a_1,\dots)</math>, soit <math>b=(b_0,b_1,\dots)</math> son inverse, on a <math>ab=(1,1,\dots)=(a_0b_0,\dots)</math> donc <math>a_0b_0\equiv1\pmod p</math> ; on ne saurait alors avoir <math>a_0\equiv0\pmod p</math>.

Réciproquement supposons que <math>a_0</math> n’est pas divisible par <math>p</math>. Il s'ensuit qu’il existe <math>b_0<p</math> tel que <math>a_0b_0\equiv1\pmod p</math>. Supposons avoir construit <math>b_0,\dots,b_{n-1}</math> vérifiant <math>b_k\equiv b_{k+1}\pmod{p^{k+1}}</math> et tel que <math>a_kb_k\equiv1\pmod{p^{k+1}}</math>. Comme <math>a_n\not\equiv0\pmod p</math>, <math>a_n</math> et <math>p^{n+1}</math> sont premiers entre eux. Il existe donc <math>b_n</math> tel que <math>a_nb_n\equiv1\pmod{p^{n+1}}</math>. On avait <math>a_{n-1}\equiv a_n\pmod{p^n}</math> et <math>a_{n-1}b_{n-1}\equiv a_nb_n\pmod{p^n}</math> ; il s'ensuit que <math>b_n\equiv b_{n-1}\pmod{p^n}</math> et donc <math>(b_n)_{n\ge0}</math> définit bien un entier ''p''-adique qui est l'inverse de <math>a</math>.
}}

Notons que cette démonstration est l'analogue de la démonstration dans l'anneau des [[w:Série formelle|séries formelles]] <math>k[[T]]</math> de l'inversibilité d'une série formelle dont le terme constant est non nul. La différence notable entre l'anneau des séries formelles <math>k[[ T]]</math> et celui des entiers ''p''-adiques réside dans le fait « qu’il y a une retenue » dans <math>\Z_p</math>.

Pour le lecteur familier avec la [[w:géométrie algébrique|géométrie algébrique]], cet analogue est le reflet de l'analogue entre [[w:Corps de fonctions|corps de fonctions]] (c'est-à-dire [[w:Courbe algébrique|courbe algébrique]] [[w:Variété algébrique projective|projective]] lisse) et [[w:Corps de nombres|corps de nombres]].

Notons que l'arithmétique de <math>\Z_p</math> est alors très simple, il n'y a qu'un seul nombre premier, à savoir <math>p</math>. C’est une caractéristique d'un anneau local. De plus, comme tous les entiers rationnels <math>n</math> premiers à <math>p</math> sont inversibles dans <math>\Z_p</math>, nous avons une injection du [[w:Localisation (mathématiques)|localisé]] de <math>\Z</math> en <math>(p)</math>, qui est l’ensemble des éléments de <math>\Q</math> de la forme <math>a/b</math> avec <math>a \in \Z</math> et <math>p</math> ne divise pas <math>b</math>. On note traditionnellement <math>\Z_{(p)}</math> le localisé de <math>\Z</math> en <math>(p)</math>.

De plus, nous avons une simple conséquence du théorème précédent :

{{Propriété
  | contenu =
Soit <math>a</math> un entier ''p''-adique non nul. Il existe un unique inversible <math>\epsilon</math> de <math>\Z_p</math> et un unique entier naturel <math>m</math> tels que <math>a=p^m \epsilon</math>.

L'entier naturel <math>m</math> ainsi défini est appelé la [[w:Valuation|valuation]] ''p''-adique de <math>a</math> ou l’ordre en <math>p</math> de <math>a</math> et est noté <math>ord_p(a)</math> ou encore <math>v_p(a)</math>.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
'''Existence'''.

Soit donc <math>a</math> un entier ''p''-adique non nul. On ne saurait avoir <math>p^{n+1}\mid a_n</math> pour tous les <math>n\ge0</math>. Soit donc <math>m</math> le plus petit entier naturel tel que <math>p^{m+1}\not\mid a_m</math>. Comme <math>a_{m-1}\equiv0\pmod{p^m}</math>, il s'ensuit que <math>a_{m+\ell}\equiv0\pmod{p^m}</math> pour tout <math>\ell\ge0</math>. Posons alors <math>\epsilon_\ell=a_{m+\ell}/p^m</math>, qui est donc dans <math>\N</math>, et l’on a bien sûr <math>\epsilon_\ell\equiv \epsilon_{\ell+1}\pmod{p^{\ell+1}}</math>. On a alors, d’après la propriété précédente, <math>\epsilon</math> est une unité de <math>\Z_p</math> et <math>p^n\epsilon=a</math>.

'''Unicité'''.

Supposons <math>p^m\epsilon=p^n\eta</math> et, sans perte de généralité, <math>m>n</math>. Il est alors facile de constater que <math>p^n</math> divise <math>p^n \eta</math> et que <math>p^n \eta/p^n</math> est une unité de <math>\Z_p</math> donc <math>p^{m-n}\epsilon_0</math> est premier avec <math>p</math>, ce qui implique que <math>n=m</math> : on a le résultat voulu.
}}

Nous en déduisons le corollaire important

{{Corollaire
  | contenu =
L'anneau <math>\Z_p</math> est intègre.
}}

== Corps des nombres ''p''-adiques ==

{{Définition
  | contenu =
Le corps des nombres ''p''-adiques, noté <math>\Q_p</math>, est le [[Corps (mathématiques)/Définitions#Corps des fractions|corps des fractions]] de <math>\Z_p</math>.
}}
{{Attention|Ne pas le confondre avec un corps DE nombres ''p''-adiques, qui sera précisément une [[w:Extension finie|extension finie]] du corps <math>\Q_p</math> DES nombres ''p''-adiques.
}}
Le théorème suivant est évident mais fondamental.

{{Propriété
  | contenu =
Tout nombre ''p''-adique <math>\alpha</math> admet une unique écriture sous la forme <math>\alpha=p^\ell \epsilon</math>, où <math>\ell \in \Z</math> et <math>\epsilon\in \Z_p^\times</math>.
}}

Nous avons simplement « rajouté » l'élément <math>1/p</math> à <math>\Z_p</math>.
On étend la valuation ''p''-adique à <math>\Q_p</math>, en définissant <math>v_p(a)</math> comme l'entier relatif <math>\ell</math> du théorème précédent. On pose par convention <math>v_p(0)=+\infty</math>.
La valuation ''p''-adique sur <math>\Q_p</math> est non archimédienne.

{{Remarque
  | contenu =
* <math>v_p(\alpha\beta)=v_p(\alpha)+v_p(\beta)</math>.
* <math>v_p(\alpha+\beta)\geq \min (v_p(\alpha),v_p(\beta))</math> avec égalité si et seulement si <math>v_p(\alpha)\neq v_p(\beta)</math>.
* Le nombre <math>\alpha</math> divise <math>\beta</math> si et seulement si <math>v_p(\alpha)\leq v_p(\beta)</math>.
}}

On peut donc à partir de cette valuation construire une norme :

{{Définition
  | contenu =
Soit <math>\rho</math> un réel quelconque de <math>\left]0,1\right[</math> alors en posant <math>| \alpha|_p=\rho^{v_p(\alpha)}</math>, on définit une [[w:Norme ultramétrique|norme ultramétrique]] sur <math>\Q_p</math>, appelée norme ''p''-adique.
}}

Notons que pour des raisons plus profondes (la formule du produit) il est habile de choisir la normalisation <math>\rho=p^{-1}</math>.

De plus, pour qu'une suite <math>(x_n)_{n>0}</math> tende vers un certain <math>x</math>, il faut et il suffit que <math>v_p(x_n-x)\xrightarrow[n\rightarrow \infty]{}+\infty</math>, autrement dit : plus un nombre ''p''-adique est divisible par ''p'', plus il est petit.

== Topologie ''p''-adique ==
Nous avons donc défini une norme sur <math>\Q_p</math> ce qui en fait un [[Topologie générale/Espace métrique|espace métrique]]. Examinons plus avant sa topologie.

{{Proposition|contenu=
<math>\Z_p</math> est [[Topologie générale/Espace topologique|ouvert]] dans <math>\Q_p</math> et [[w:Compacité (mathématiques)|compact]].
}}
{{Démonstration déroulante|contenu=
*<math>\Z_p</math> est ouvert : <math>x\in\Z_p\Leftrightarrow v_p(x)>-1/2</math> donc <math>\Z_p</math> est image réciproque d'un ouvert par la norme <math>|.|_p</math>, qui est continue.
*<math>\Z_p</math> est compact : puisque c'est un espace métrique, il suffit de remarquer qu'il est [[w:Compacité séquentielle#Propriétés|séquentiellement compact, comme produit dénombrable d'espaces qui le sont]] : <math>\Z_p\simeq\left(\{0,1,\dots,p-1\}\right)^\N</math>, d'après la représentation en série.
}}

{{Corollaire|contenu=
L'espace <math>\Q_p</math> est [[w:Espace localement compact|localement compact]] et [[Topologie générale/Complétude|complet]].
}}
{{Démonstration déroulante|contenu=
*Compacité locale : <math>x+\Z_p</math> est un voisinage compact de <math>x</math>.
*Complétude : toute suite de Cauchy dans <math>\Q_p</math> est bornée, c'est-à-dire à valeurs dans un certain <math>p^n\Z_p</math>. Par compacité de ce dernier, la suite est donc convergente.
}}

La notion de convergence ''p''-adique est beaucoup plus simple que la convergence par exemple dans <math>\R</math> :

{{Propriété
  | contenu =
Une suite <math>(x_n)_n</math> de nombres ''p''-adiques converge si et seulement si <math>v_p\left(x_{n+1}-x_n\right)\to\infty</math>.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
L'une des implications étant triviale, contentons-nous de prouver l'autre.

Remarquons tout d’abord que la convergence de la suite <math>(x_n)_n</math> est équivalente la convergence de la série <math>\sum_n (x_{n+1}-x_n)</math>. Soit alors <math>M>0</math> il existe <math>N>0</math> tel que pour <math>n>N</math>, on ait <math>v_p(x_{n+1}-x_n)\geq M</math> et par suite <math>v_p(\sum_{k=n}^{\infty}(x_{k+1}-x_k))\geq \min_{k\geq n}v_p(x_{k+1}-x_k)\geq M</math>.

Ce qui prouve que <math>\sum_n (x_{n+1}-x_n)</math> converge et par suite la suite <math>(x_n)_n</math> converge.
}}

Autrement dit : une série ''p''-adique converge si et seulement si son terme général tend vers 0.

== Congruences ''p''-adiques ==
Nous allons nous intéresser aux congruences dans l'anneau <math>\Z_p</math>. La propriété suivante est quasi immédiate ; elle résulte en fait du développement en série que nous avons vu plus haut. Comme les seuls éléments non inversibles de <math>\Z_p</math> sont les <math>p^k</math>, il nous suffit de nous intéresser aux congruences modulo <math>p^k</math>.

{{Propriété
  | contenu =
Tout entier ''p''-adique est congru à un entier rationnel modulo <math>p^k</math>. Autrement dit : <math>\Z_p/p^k\Z_p\simeq \Z/p^k\Z</math>, l'isomorphisme étant un isomorphisme d'anneaux.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
Soit donc <math>\alpha=(\alpha_0,\alpha_1,\dots)</math> un entier ''p''-adique, intéressons-nous aux congruences modulo <math>p^k</math>, où <math>k\geq 1</math>. Posons <math>N=\alpha_{k-1}</math> qui est un entier rationnel. Nous savons que <math>\alpha_{k-1}\equiv \alpha_i\pmod{p^i}</math> pour tout <math>i\leq k-1</math>. De ce fait, si l’on pose <math>\beta=\alpha-N</math>, on a pour <math>i\leq k-1</math> <math>\beta_i\equiv \alpha_{k-1}-\alpha_i\equiv 0\pmod{p^i}</math>, ce qui signifie que <math>v_p(\beta)\geq k</math> soit <math>p^k\mid\beta</math> et donc <math>\alpha\equiv N\pmod{p^k}</math>.
}}

Au passage, nous avons démontré les résultats suivants.

{{Propriété
  | contenu =
* Soit <math>\alpha=(\alpha_0,\alpha_1,\dots)\in \Z_p</math>, alors <math>\alpha_k\equiv \alpha\pmod{p^{k+1}}</math>.
* Tout entier ''p''-adique est limite de la suite d'entiers rationnels qui le définit ; ainsi, <math>\Z</math> est dense dans <math>\Z_p</math>.
}}

Nous avons alors prouvé que la série <math>\sum_{n \geq 0} a_n p^n</math> converge bien au sens ''p''-adique vers l'entier ''p''-adique qu'elle définit.

Nous terminons par une (des nombreuses) versions du lemme de Hensel, qui nous permet de « relever une solution » d'une équation dans <math>\Z/p\Z</math> en solution de la même équation dans <math>\Z_p</math>.

{{Théorème
  | titre   = Théorème (Hensel)
  | contenu ={{Wikipédia|Lemme de Hensel}}
Soit <math>P</math> un polynôme de <math>\Z_p[X_1,\dots,X_n]</math>. On suppose qu’il existe <math>\delta \in \N</math> et des entiers ''p''-adiques <math>(\gamma_1,\dots,\gamma_n)</math> tels que :
* <math>P(\gamma_1,\dots,\gamma_n)\equiv 0\pmod{p^{2\delta+1}}</math> ;
* <math>\partial_1 P(\gamma_1,\dots,\gamma_n)\equiv  0\pmod{p^\delta}</math> ;
* <math>\partial_1 P(\gamma_1,\dots,\gamma_n)\not \equiv0\pmod{p^{\delta+1}}</math>.

Alors, il existe <math>\theta_1\equiv \gamma_1\pmod{p^{\delta+1}},\dots,\theta_n\equiv \gamma_n\pmod{p^{\delta+1}}</math>, ''n'' entiers ''p''-adiques, tels que <math>P(\theta_1,\dots,\theta_n)=0</math>.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
On considère <math>Q(X)=P(X,\gamma_2,\dots,\gamma_n)</math>. On pose <math>\theta_i=\gamma_i</math> pour <math>i>1</math>. Il nous suffit alors de trouver un certain <math>\alpha\equiv \gamma_1\pmod{p^{\delta+1}}</math> tel que <math>Q(\alpha)=0</math>.

Cherchons une suite
:<math>(\alpha_i)_i</math> telle que <math>Q(\alpha_i)\equiv 0\pmod{p^{2\delta+1+i}}</math> 
avec 
:<math>\alpha_i\equiv \gamma_i\pmod{p^{\delta+1}}</math>.
Pour <math>i=0</math>, on choisit <math>\alpha_0=\gamma_1</math>.

Supposons avoir trouvé <math>\alpha_1,\dots,\alpha_m</math>.

On a 
:<math>Q(X)=Q(\alpha_m)+Q'(\alpha_m)(X-\alpha_m)+\cdots</math>
avec <math>Q(\alpha_m)\equiv 0\pmod{p^{2\delta+1+m}}</math>, c'est-à-dire qu’il existe <math>\zeta_1\in \Z_p</math> tel que 
* <math>Q(\alpha_m)=p^{2\delta+m+1}\zeta_1</math>.
De plus, le fait que <math>\gamma_1\equiv \alpha_m\pmod{p^{\delta+1}}</math> donne <math>Q'(\alpha_m)\equiv Q'(\gamma_1)\pmod{p^{\delta+1}}</math> et donc <math>v_p(Q'(\alpha_m))=\delta</math>. Il s'ensuit qu’il existe 
:<math>\zeta_2\in \Z_p^*</math> <math>Q(X)=p^{2\delta+m+1}\zeta_1+p^{\delta}\zeta_2(X-\alpha_m)+O((X-\alpha_m)^2)</math>.
Prenons <math>x\in \Z_p</math> tel que <math>x-\alpha_m=p^{\delta+m+1}y</math> où <math>y</math> est un certain entier ''p''-adique. 
On a alors 
:<math>Q(x)\equiv p^{2\delta+m+1}(\zeta_1+y\zeta_2)\pmod{p^{2\delta+m+2}}</math>.
Par suite, comme <math>\zeta_2\not \equiv0\pmod p</math>, il existe <math>y</math> tel que 
:<math>\zeta_1+y\zeta_2\equiv0\pmod p</math>.
On a donc bien construit une suite <math>(\alpha_m)_m</math> vérifiant les propriétés voulues.

Par ailleurs,
:<math>v_p(\alpha_{m+1}-\alpha_m)\geq \delta+i+1\xrightarrow[i \to \infty]{}\infty</math>,
ce qui prouve que <math>(\alpha_m)_m</math> converge vers un certain <math>\alpha\in \Z_p</math>.

De plus,
:<math>v_p(Q(\alpha_i))\geq 2\delta+i+1 \xrightarrow[i\to \infty]{}\infty</math>
donc par continuité de <math>Q</math> 
:<math>Q(\alpha)=0</math>.
}}

== Une construction analytique des nombres ''p''-adiques ==
Il existe une façon beaucoup plus analytique de construire les nombres ''p''-adiques, qui ressemble de beaucoup à la façon de construire les réels à partir de <math>\Q</math>. Commençons par mentionner un résultat important (et intéressant en soi), le théorème d'Ostrowski, qui donne naissance à l'importante notion de place d'un corps de nombre, qui généralise la notion de nombre premier.

{{Théorème
  | titre   = Théorème ([[w:Alexander Ostrowski|Ostrowski]])
  | contenu ={{Wikipédia|Théorème d'Ostrowski}}
Toute valuation sur <math>\Q</math> est :
* soit de la forme <math>|.|^a</math> avec <math>a\in [0,1]</math> 
* soit de la forme <math>\rho^{v_p}</math> où <math>\rho \in [0,1[</math>.
}}

{{Démonstration déroulante
  | contenu =
Soit <math>\varphi</math> une métrique (non triviale) sur <math>\Q</math>.

Il est clair que l’on a <math>\varphi(1)=1</math> et par suite 
:<math>\varphi(n)\leq \varphi(1)+\dots+\varphi(1)\leq n</math>.
Deux cas se présentent. Soit il existe un entier <math>a>1</math> tel que <math>\varphi(a)>1</math>.

Dans ce cas, posons <math>\varphi(a)=a^{\alpha}</math> où <math>\alpha\in ]0,1]</math>. Soit alors <math>N\in \N</math>. L'écriture de <math>N</math> en base <math>a</math> donne 
:<math>N=\sum_{i=0}^{d}q_i a^i</math>.
On a donc <math>a^d\leq N <a^{d+1}</math>.
Le calcul de <math>\varphi(N)</math> donne alors :
:<math>\varphi(N)\leq\sum_{i=0}^{d}\varphi(q_i) a^{i\alpha}
 \leq  (a-1) \frac{a^{\alpha(d+1)}-1}{a^{\alpha}-1}
  \leq  (a-1) \frac{a}{a^\alpha-1} a^{d\alpha}
   \leq  (a-1) \frac{a}{a^\alpha-1} N^\alpha  </math>.

Il existe donc une constante <math>C</math> indépendante de <math>N</math> telle que 
:<math>\varphi(N)\leq CN^{\alpha}</math>.
Mais alors <math>\varphi(N)^q=\varphi(N^q)\leq C N^{q\alpha}</math> donne 
:<math>\varphi(N)\leq C^{1/q}N^\alpha</math>.
En faisant tendre <math>q</math> vers <math>\infty</math>, on trouve 
:<math>\varphi(N)\leq N^\alpha</math>.
Notons maintenant qu’il existe <math>0\leq b <a^{d+1}-a^d</math> tel que <math>N=a^{d+1}-b</math>. On a alors 
:<math> \varphi(a)^{d+1}-\varphi(b)\geq a^{\alpha(d+1)}-\varphi(b)\geq a^{\alpha(d+1)} -(a^{d+1}-a^d)^{\alpha}\geq a^{\alpha(d+1)}(1-\frac{(a^{d+1}-a^d)^{\alpha}}{a^{\alpha(d+1)}})</math>
donc il existe une constante <math>D>0</math> telle que 
:<math>\varphi(N)\geq D N^\alpha</math>.
On montre comme précédemment que <math>\varphi(N)\geq N^{\alpha}</math>.
Donc pour tout entier <math>N</math> on a 
:<math>\varphi(N)=|N|^\alpha</math>.
Il est alors facile d’en déduire que <math>\varphi=|.|^\alpha</math>.

Supposons maintenant que pour tout entier naturel <math>a</math> on ait <math>\varphi(a)\leq 1</math>, on supppose qu’il existe <math>a_0\in \N</math> tel que <math>\varphi(a_0)<1</math>, alors il existe un nombre premier <math>p</math> tel que <math>\varphi(p)<1</math>, sinon on aurait pour tout <math>n\in \N</math>, 
:<math>\forall n\in\N\quad\varphi(n)=\prod_i \varphi(p_i)^{\nu_i}=1</math>, 
ce qui a été écarté.

Ce nombre premier <math>p</math> est alors unique puisque s'il existait un autre nombre premier <math>q</math> tel que <math>\varphi(q)<1</math>, on aurait pour des entiers <math>\ell, u, v</math> bien choisis :
:<math>1=\varphi(up^\ell+vq^\ell)\leq \varphi(p)^\ell+\varphi(q)^\ell<1</math>.
Donc <math>p</math> est unique. Posons <math>\varphi(p)=\rho</math>. Il est clair que
:<math>\varphi=\rho^{v_p}</math>
où <math>v_p</math> désigne la valuation ''p''-adique, et le théorème est démontré.
}}

Remarquons qu'en fait ce théorème dit qu’il y a exactement une valuation (à équivalence topologique près) pour chaque nombre premier, et une supplémentaire, pour le plongement de <math>\Q</math> dans <math>\R</math>. Tout se passe comme si l’on « manquait » un nombre premier infini. Ce fait sera confirmé par la fait que l’on peut voir <math>\R</math> comme le complété <math>\infty</math>-adique de <math>\Q</math> et nous le noterons d'ailleurs souvent <math>\Q_\infty</math>. Ce fait remarquable se généralise à un corps de nombres de la manière suivante.

Pour un corps de nombres <math>K</math>, il existe exactement une valuation (à équivalence topologique près) pour chaque idéal premier de <math>O_K</math> (l'anneau des entiers de <math>K</math>) et une valuation pour chaque plongement réel, et pour chaque paire de plongements complexes conjugués. Une '''place''' du corps <math>K</math> sera donc une classe d'équivalence de valuations. Il existe donc une place par idéal premier <math>\mathfrak{p}</math> qui sont dites finies, ces places correspondent à des valuations non archimédiennes, et nous avons en plus des places infinies, qui correspondent aux plongements de <math>K</math> dans <math>\R</math> ou <math>\Complex</math>, les valuations correspondantes sont archimédiennes. Nous aurons l’occasion d'y revenir.

Nous pouvons alors définir le corps <math>\Q_p</math> de la façon suivante.

{{Définition
  | contenu =
Le corps des nombres ''p''-adiques, noté <math>\Q_p</math>, est le complété de <math>\Q</math> pour la norme <math>|.|_p</math>.
}}

Comme <math>\Q_p</math> est complet et contient <math>\Q</math> comme sous-corps dense, il résulte de théorèmes généraux (sur les complétés d'un corps pour une valuation) que les deux définitions coïncident.

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  | idfaculté = mathématiques
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}}