Équation du troisième degré/Méthode de Cardan

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Modèle:Chapitre Dans cette leçon, nous allons étudier la méthode de Cardan. Modèle:Wikipédia

Pour nous mettre en appétit et commencer à avoir une idée des mécanismes de cette méthode, nous commencerons par un simple exercice d’échauffement. Celui-ci permettra de nous donner un aperçu du principe de cette méthode. Par la suite, nous analyserons cet exercice pour voir comment en déduire une méthode permettant de résoudre toutes les équations du troisième degré.

Modèle:Clr

Exercice d’échauffement

Considérons l’équation suivante :

x3+3x+1=0.

Difficile de faire plus simple !

L'idée fondamentale de la méthode de Cardan est de remplacer l’inconnue x par deux inconnues u et v en posant :

x=u+v.

On obtient : (u+v)3+3(u+v)+1=0.

Pourquoi faire cela ? Nous avions une inconnue, maintenant nous en avons deux ! Nous allons voir que ce simple changement d’inconnue permet, contrairement aux apparences, de simplifier la résolution de l’équation de départ. Il nous suffira ensuite d’ajouter les valeurs trouvées pour u et v pour retrouver la valeur de x.

Vous vous rappelez l’identité remarquable (qu'on peut obtenir par la formule du binôme de Newton) :

(a+b)3=a3+3a2b+3ab2+b3.

C’est le moment de l’utiliser pour développer (u+v)3. L’équation devient alors :

u3+3u2v+3uv2+v3+3(u+v)+1=0

qui devient, en factorisant 3uv dans le deuxième et troisième terme : u3+3uv(u+v)+v3+3(u+v)+1=0.

Cette équation contient maintenant cinq termes et deux de ces termes contiennent 3(u + v), que nous pouvons donc mettre en facteur ; on obtient :

u3+v3+3(u+v)(uv+1)+1=0.

Qu'avons-nous gagné à faire cela ?

Nous avons présentement une équation qui contient deux inconnues ! Il n’est en général pas possible (sauf cas très particulier) de trouver des valeurs uniques pour les deux inconnues.

L'idée, à ce niveau-là, est de rajouter une deuxième équation, choisie astucieusement, de façon que le système de deux équations à deux inconnues obtenu puisse se résoudre facilement.

Je ne vous fais pas languir plus longtemps, nous poserons :

uv+1=0 (1).

Comme cela, nous voyons que l’équation :

u3+v3+3(u+v)(uv+1)+1=0

devient :

u3+v3+1=0 (2).

Nous pouvons maintenant fabriquer notre système de deux équations à deux inconnues en réunissant les expressions (1) et (2).

Nous obtenons :

{u3+v3+1=0uv+1=0

qui peut s'écrire :

{u3+v3=1uv=1.

En élevant les deux membres de la deuxième équation au cube, nous obtenons :

{u3+v3=1u3v3=1.

Nous avons tenu compte du fait que (uv)3=u3v3 et que (1)3=1.

Pour vous taquiner un peu, nous allons encore changer d’inconnues en posant :

U=u3 ;
V=v3.

Notre système devient alors :

{U+V=1UV=1

et c’est là qu’il va falloir vous remémorer votre cours sur les équations du second degré ! En effet, nous avons deux nombres U et V dont nous connaissons la somme et le produit.Modèle:ThéorèmeNous en déduisons :

S=1 ;
P=1

et donc U et V sont racines de l’équation du second degré :

X2+X1=0.

Je ne vais pas vous détailler la résolution de cette équation du second degré, les racines sont :

X=1+52 ;
X=152.

(Si vous n’avez pas trouvé ces deux valeurs, il ne vous reste plus qu’à étudier à nouveau votre cours sur les équations du second degré et revenir après pour étudier la méthode de Cardan.)

Nous avons dit qu’en fait c’était U et V qui étaient les deux racines de l’équation. Par exemple (puisque depuis le départ u et v jouent le même rôle, donc leurs cubes U et V aussi) :

U=1+52 ;
V=152.

N’oublions pas que nous avions posé U=u3 et V=v3.

Nous avons donc :

u3=1+52 ;
v3=152.

De ces deux dernières expressions, nous pouvons en déduire (revoir éventuellement le cours sur les racines cubiques) :

u=1+523 ;
v=1523.

Nous avons annoncé au départ que lorsqu'on aura trouvé les valeurs de u et v, il suffira de les ajouter pour trouver la valeur de x (car nous avions posé x = u + v). C’est maintenant chose faite ; on obtient donc :

x=1+523+1523

et nous constatons que nous avons résolu l’équation donnée au départ.

Analyse de l'exercice d’échauffement

Nous allons examiner l’exercice précédent pour voir si ce que l’on a fait peut être appliqué à toutes les équations du troisième degré. Nous verrons ensuite dans le paragraphe suivant comment remédier à tous les problèmes constatés.

Premier problème

L'équation choisie :

x3+3x+1=0

ne comporte pas de monôme du second degré.

En rajoutant un monôme du second degré, va-t-on pouvoir résoudre l’équation en posant x = u + v ?

Je vous donne la réponse : C’est non ! (si si, essayez, vous verrez !)

Deuxième problème

On a vu dans les chapitres précédents qu’une équation du troisième degré pouvait avoir trois racines et l’on voit mal comment la méthode entrevue précédemment peut aboutir à trois racines (à moins que vous ne me démontriez que les équations du troisième degré sans terme du second degré n’ont toujours qu’une seule racine).

Troisième problème

La solution :

x=1+523+1523

parait bien compliquée pour une équation aussi simple :

x3+3x+1=0.

Est-ce normal ?

Là, la réponse est oui ! En effet, la méthode de Cardan présente la particularité de s’ingénier à nous donner des solutions toujours compliquées même quand l’équation a des racines simples, voire carrément des racines entières. C’est à vous par la suite d’essayer de simplifier les solutions (on verra comment faire).

Généralisation de la méthode

Dans ce paragraphe, nous allons essayer de généraliser la méthode entrevue dans l’exercice d’échauffement de façon à pouvoir résoudre toutes les équations du troisième degré. Pour cela, il nous faudra d’abord voir comment on peut se débarrasser du monôme de degré 2. Ensuite, nous ferons appel aux nombres complexes pour trouver les trois racines de l’équation. En ce qui concerne la simplification des racines, nous étudierons cela au chapitre suivant.

Élimination du monôme de degré 2

Soit à résoudre l’équation :

ax3+bx2+cx+d=0.

Pour éliminer le terme bxModèle:Exp qui nous gêne, nous ferons un changement de variable :Modèle:Théorème Modèle:Démonstration déroulante

Utilisation des nombres complexes pour trouver les trois racines

Pour commencer, un petit rappel important du cours sur les nombres complexes :Modèle:Propriété

Alors que dans , tout réel non nul a une seule racine cubique, dans , Modèle:Formule a trois racines cubiques : Modèle:Formule, Modèle:Formule et Modèle:Formule et plus généralement, tout nombre complexe w0 a trois racines cubiques. L'une est |w|3earg(w)3i et les deux autres s'en déduisent :Modèle:Propriété

Suite de l'exercice d'échauffement

Partant de

x3+3x+1=0,

nous avions posé x = u + v et nous avions obtenu :

{u3+v3=1u3v3=1.

Nous avions vu que uModèle:Exp et vModèle:Exp étaient alors racines de l’équation :

X2+X1=0.

Par commodité, nous désignerons cette équation du second degré sous le nom de résolvante de Cardan.

La résolution de la résolvante de Cardan nous a montré que :

u3=1+52 ;
v3=152.

Si, à ce niveau, nous nous plaçons dans l’ensemble des nombres complexes, la suite sera différente. En effet, d'après le rappel ci-dessus, u a trois valeurs possibles qui sont :

u=1+523ouu=j1+523ouu=j21+523

et v a aussi trois valeurs possibles qui sont :

v=1523ouv=j1523ouv=j21523.

Nous devons ensuite en déduire x en ajoutant une valeur de u avec une valeur de v.

Comment savoir quelle valeur de u va avec quelle valeur de v ?

Nous devons choisir une valeur de u et une valeur de v vérifiant la relation posée plus haut :

uv=1.

Compte tenu du fait que Modèle:Formule, nous accouplerons u et v de la façon suivante :

{u=1+523v=1523ou{u=j1+523v=j21523ou{u=j21+523v=j1523.

Comme x = u + v, nous en déduisons bien trois racines pour notre équation, qui sont :Modèle:Encadre

Établissement de formules générales (formules de Cardan)

Nous allons dans ce paragraphe établir des formules générales.

Soit à résoudre l’équation :

ax3+bx2+cx+d=0.

En faisant le changement de variable :

x=zb3a,

nous obtenons une équation de la forme :

z3+pz+q=0,

dont nous avons calculé le discriminant au chapitre 2 : Modèle:Propriété

En posant z=u+v, on obtient :

(u+v)3+p(u+v)+q=0

qui donne, en développant :

u3+3uv(u+v)+v3+p(u+v)+q=0,

ce qui se factorise sous la forme :

u3+v3+(u+v)(3uv+p)+q=0.

Pour simplifier, imposons :

3uv+p=0.

On obtient alors :

{u3+v3+q=03uv+p=0

qui se met sous la forme :

{u3+v3=qu3v3=p327.

uModèle:Exp et vModèle:Exp sont donc racines de l’équation :

X2+qXp327=0

dont le discriminant est :

q2+4p327=Δ27.

Notons δ l'une des deux racines carrées (complexes a priori) de Δ27 :Modèle:EncadreLa résolvante de Cardan a alors pour racines :

{u3=q+δ2v3=qδ2.

On choisit pour uModèle:Ind l'une des trois racines cubiques (complexes a priori) de q+δ2 et pour vModèle:Ind l'une des trois racines cubiques de q+δ2, mais de façon cohérente avec la relation 3uv+p=0 :Modèle:EncadreOn en déduit :

{u=u0v=v0ou{u=ju0v=j2v0ou{u=j2u0v=jv0.

Nous en déduisons trois valeurs possibles pour z :

z0=u0+v0 ;
z1=ju0+j2v0 ;
z2=j2u0+jv0.

Il s'ensuit que les trois racines de l'équation à résoudre sont :Modèle:Encadre

Remarquons que si le discriminant est nul alors δ=0, (3q2p)3=q2 et (3q2p)2=p3 donc le « choix cohérent » le plus simple pour (uModèle:Ind, vModèle:Ind) est u0=v0=3q2p, ce qui donne bien une racine multiple (triple si q = 0). Compte tenu de la relation j+j2=1, les formules précédentent deviennent alors :Modèle:Encadre

Cas où les coefficients sont réels

Si les coefficients sont réels, le discriminant l'est aussi. Le cas Δ=0 ayant déjà été traité, nous allons préciser les résultats du chapitre 2 dans les deux autres cas : Modèle:Propriété

Premier cas : si Δ < 0, c'est-à-dire 4p3+27q2>0

En choisissant δ=Δ27=q2+4p327 puis u0=q+δ23 donc v0=qδ23 (ce qui donne bien u0v0=p3), les formules générales précédentes deviennent :Modèle:Encadre La première solution est réelle et les deux autres sont bien des nombres complexes conjugués.

Deuxième cas : si Δ > 0, c'est-à-dire 4p3+27q2<0

En choisissant δ=iΔ27=i|q2+4p327| puis u0 l'une des trois racines cubiques de q+δ2 et v0=u0 (ce qui donne bien u0v0=|u0|2=|q+δ2|23=p3273=p3), les formules générales précédentes deviennent :Modèle:Encadre Les trois solutions sont bien des nombres réels, et peuvent s'écrire : xi=2p3cosθib3a, où θ0,θ1,θ2 sont les trois angles tels que 3θiarg(q+δ)mod2π. Les cosinus de ces trois angles se déduisent de cosargarg(q+δ)=3q2p3p. Nous redémontrerons deux fois ce résultat, aux chapitres suivants.

Modèle:Bas de page