Théorie des groupes/Groupes symétriques finis

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Modèle:Chapitre

Groupe symétrique comme groupe opérant

Rappelons la définition, donnée au chapitre 2 :

Modèle:Définition

Nous noterons souvent le groupe symétrique multiplicativement, par juxtaposition. Ainsi, nous écrirons  σ1σ2 au lieu de σ1σ2 pour désigner la composée de deux permutations. De même, n étant un nombre naturel, nous désignerons par  σn la composée de n permutations égales à  σ et par  σn la permutation réciproque de  σn. Nous dirons aussi « produit de permutations » plutôt que « composée de permutations » etc.

Si E et F sont deux ensembles équipotents, les groupes SE et SF sont isomorphes. En effet, soit f une bijection f de E sur F; à toute permutation σ de E, faisons correspondre la permutation fσf1 de F; on vérifie facilement que nous définissons ainsi un isomorphisme de SE sur SF.

Dans le cas particulier où E est l’ensemble {1,,n} pour un certain nombre naturel n, on écrit  Sn plutôt que  SE. D'après la remarque précédente, le groupe symétrique de tout ensemble fini à n éléments est isomorphe à  Sn.

L'application  SE×EE:(σ,x)σ(x) est une action du groupe  SE sur l’ensemble E, dite action naturelle de SE sur E. Nous avons vu qu’à toute action d'un groupe G sur un ensemble X correspond un homomorphisme de G dans  SX. Dans le cas présent, cet homomorphisme est l'identité (homomorphisme identique de  SE sur lui-même).

Plus généralement, si H est un sous-groupe de  SE, nous dirons que l'action de H sur E induite par celle de  SE est l'action naturelle de H sur E.

Support d'une permutation

Modèle:Définition

De façon générale, si G est un groupe opérant sur un ensemble X, nous avons vu que les points fixes d'un élément g de G sont identiques aux points fixes de g⁻¹, que le stabilisateur d'un élément x de X est un sous-groupe de G et qu'un élément x de X est point fixe d'un élément g de G si et seulement s'il est point fixe pour l'opération du sous-groupe <g> de G sur X. Donc

1° Soient σ1,,σn des permutations d'un même ensemble E; alors

supp(σ1σn)supp(σ1)supp(σn)

(en effet, un élément de E qui n'appartient pas au second membre est point fixe de chacune des permutations σ1,,σn et est donc point fixe de leur composée); en particulier, si σ est une permutation de E, si k est un nombre naturel 0, le support de σk est contenu dans celui de σ.

2° Le support de σ1 est égal à celui de σ.

3° Les points fixes de σ sont les points fixes pour l'opération de <σ> sur E, donc le support de σ est la réunion des orbites non ponctuelles de cette opération (et ne peut donc pas être un ensemble à un élément).

Puisque le support  supp(σ) de  σ est une réunion de  <σ>-orbites,  <σ>supp(σ)=supp(σ) et  <σ> opère sur  supp(σ); en particulier, si un élément  x appartient au support de  σ, l'élément  σ(x) appartient lui aussi à ce support (on peut évidemment le prouver plus directement). Puisque  x et  σ(x) sont distincts, ceci montre de nouveau que si le support n’est pas vide, il comporte au moins deux éléments.

Modèle:Lemme

Démonstration. Nous savons déjà que le support de  σ est contenu dans la réunion des supports des  σi, donc si x n'appartient à aucun des supports  supp(σi), il est point fixe de  σ. Dans le cas contraire, il existe un et un seul i tel que xsupp(σi). Puisque x n'appartient pas aux supports de σi+1,,σn, nous avons

σi+1σn(x)=x,

d'où, en appliquant σi aux deux membres,

σiσi+1σn(x)=σi(x).

D'après ce que nous avons vu,  σi(x) appartient au support de  σi et n'appartient donc à aucun des supports supp(σ1),,supp(σi1) et est donc point fixe de σ1σ2σi1. En passant aux valeurs par σ1σ2σi1 dans la précédente égalité, nous trouvons donc  σ(x)=σi(x) comme annoncé.
Il résulte de ce qui précède que le support de  σ est la réunion des supports des  σi.
En appliquant l'explicitation trouvée de σ1σ2σn(x) au nombre n = 2, à la composée  σ1σ2 et à la composée  σ2σ1, nous trouvons que deux permutations de E à supports disjoints commutent.

Cycles

Définition

Modèle:Définition

Remarques.
1° D'après cette définition, la permutation identique de E n’est pas un cycle, puisque le sous-groupe de  SE qu'elle engendre, à savoir le sous-groupe réduit à elle-même, agit trivialement, c'est-à-dire que toutes les orbites de cette action sont ponctuelles.
2° Puisque le support d'une permutation est toujours la réunion de ses orbites non ponctuelles, le support d'un cycle  γ est la seule orbite non ponctuelle pour l'opération de  <γ>.
3° Une description des cycles qui fait mieux comprendre leur nom sera donnée plus loin.

Décomposition d'une permutation en cycles

Soient  σ une permutation de E et  ω une orbite relative à l'opération de  <σ> sur E;  σ permute les points de  ω, donc il existe une et une seule permutation  γ de E qui coïncide avec  σ en tout point de  ω et qui laisse fixe tout point de E qui n'appartient pas à  ω; pour tout entier rationnel n et pour tout élément x de  ω, nous avons  γn(x)=σn(x), donc  ω est une orbite de  γ. Il est clair que si  ω n’est pas ponctuelle,  γ est un cycle de support  ω.

Modèle:Lemme

Démonstration. Soit x un élément de E. D'après le lemme précédent, nous avons  σ(x)=x si x n'appartient au support d'aucun des cycles γC et, dans le cas contraire,  σ(x)=γ(x), où  γ désigne le seul élément de C dont le support comprenne x.
Première conséquence : soit  γ un cycle appartenant à C;  σ coïncide avec  γ en tout point de  supp(γ), donc, pour tout entier rationnel n,  σn coïncide avec  γn en tout point de  supp(γ), donc  supp(γ) est une orbite, évidemment non ponctuelle, relative à l'opération de  <σ>.
Seconde conséquence : tout élément du support de  σ est contenu dans le support d'un élément de C; cela revient à dire que pour toute orbite non ponctuelle  ω de l'opération de  <σ>, tout élément x de  ω appartient au support d'un élément de C; d’après la première partie de la démonstration, ce support est une orbite de  σ; comme une orbite ne peut être contenue dans une autre que si elle lui est égale,  ω=supp(γ).
Nous avons donc prouvé que l’application γsupp(γ) est une surjection de C sur l’ensemble des orbites non ponctuelles pour l'opération de  <σ>. C'est une injection, car si  γ1 et  γ2 sont deux éléments distincts de C, leurs supports sont disjoints et ne peuvent donc être égaux que s'ils sont vides, ce qui contredit la définition d'un cycle.
La partie de l'énoncé relative à  f1 résulte clairement du reste de l'énoncé.

Modèle:Proposition

Soit  φ une permutation de E. Pour toute orbite non ponctuelle  ω relative à l'opération de  <φ> sur E, désignons par  γω l'unique cycle SE qui coïncide avec  φ en tout point de  ω et laisse fixes tous les points de E qui n'appartiennent pas à  ω. (Nous avons noté que ce cycle existe et admet  ω pour support.) Désignons par L l’ensemble des cycles  γω, où  ω parcourt les orbites non ponctuelles relatives à l'opération de  <φ> sur E. Puisque les orbites en question sont deux à deux disjointes, les éléments de L sont des cycles à supports deux à deux disjoints. Posons

σ=λLλ;

ceci peut encore s'écrire

σ=ωΩγω,

 Ω désigne l’ensemble des orbites non ponctuelles pour l'opération de  <φ> (car à deux orbites non ponctuelles distinctes  ω1,ω2 correspondent deux cycles  γω1,γω2 distincts).
Soit x un point de E. D'après le lemme qui précède,

a)  σ(x)=x si x n'appartient au support d'aucun élément de L, c'est-à-dire si x n'appartient à aucune orbite non ponctuelle de l'opération de  <φ> sur E, c'est-à-dire si x n'appartient pas au support de  φ;
b) si x appartient au support  ω de l'élément  γω de L,  σ(x)=γω(x)=φ(x).

Il résulte des points a) et b) que

 φ=σ=λLλ,

d'où l’existence d'un ensemble L tel que dans l'énoncé. Prouvons l'unicité de L. Supposons qu'un ensemble M de cycles à supports deux à deux disjoints soit tel que

 φ=μMμ.

D'après la dernière partie du lemme qui précède, les éléments de M sont les  γω définis plus haut, c'est-à-dire les éléments de L.

On dit que l'écriture φ=λLλ est la décomposition canonique de φ en produits de cycles.

Modèle:Corollaire

Démonstration. Soit  σ=γ1γr, où γ1,,γr sont des cycles à supports deux à deux disjoints. Désignons par  m le ppcm des ordres de  γi. Pour tout nombre entier  t, le support de  γit est contenu dans celui de  γi, donc les supports de γ1t,,γrt sont deux à deux disjoints. Nous avons vu que des permutations à supports deux à deux disjoints commutent, donc, pour tout nombre entier  t,

σt=γ1tγrt.

Faisons d’abord t = m. Chaque facteur γit du second membre est alors égal à  idE, donc il en est de même du premier membre, donc  m est multiple de l’ordre de  σ.
Faisons maintenant  t=s, où  s est l’ordre de  σ. Nous trouvons

idE=γ1sγrs.

D'après un précédent lemme, il en résulte que le support de  idE, c'est-à-dire l’ensemble vide, est la réunion des supports des  γis, donc ces supports sont vides. Donc, pour chaque i, γis=idE, donc s est multiple de l’ordre de chaque  γi, donc s est multiple de m. On a donc bien s = m.

Notation d'un cycle

Modèle:Proposition

Démonstration. Voici tout d’abord une démonstration qui fait une assez large part aux calculs. Soit x un élément de  Ω. Il existe au moins un nombre naturel s > 0 tel que γs(x)=x, par exemple l’ordre de  γ. Désignons par  sx le plus petit des nombres naturels s > 0 tels que γs(x)=x. (La suite montrera que  sx ne dépend pas de x.) Puisque  Ω est l'orbite de x pour l'opération du groupe  <γ> sur E, tout élément de  Ω est de la forme  y=γt(x), avec t. (Puisque  γ est d'ordre fini, on peut même supposer t naturel.) Si r désigne le reste euclidien de t par  sx, nous avons alors y=γr(x), ce qui montre que x,γ(x),γ2(x),,γsx1(x) représentent tous les éléments de  Ω. Si nous avions  γu(x)=γv(x) avec 0u<vsx1, nous aurions  γvu(x)=x avec  0<vu<sx, ce qui contredit la minimalité de  sx. Donc x,γ(x),γ2(x),,γsx1(x) sont deux à deux distincts, donc sx=Card(Ω), donc sx est le nombre k de l'énoncé et, en particulier, est indépendant de x. Donc, pour tout xΩ, γk(x)=x. Puisque γ coïncide avec l'identité hors de  Ω, nous avons donc γk=idE, donc k est supérieur ou égal à l’ordre de γ. D'autre part, il est clair que, par minimalité de  sx dans l’ensemble des s > 0 tels que γs(x)=x,  sx, c'est-à-dire k, est inférieur ou égal à l’ordre de γ. (D'ailleurs, nous savons que le cardinal d'une orbite divise l’ordre du groupe opérant.) Nos deux derniers résultats prouvent que l’ordre de γ est égal à k.

Voici maintenant une démonstration plus «bourbakiste». Puisque  Ω est une orbite pour l'opération du groupe  <γ> sur E, le groupe  <γ> opère transitivement sur  Ω. Prouvons que cette opération est fidèle. Soit  σ un élément du groupe  <γ> qui fixe tout point de  Ω; il s'agit de prouver que  σ est l'élément neutre de  SE. Puisque la permutation  σ est une puissance de  γ et que  γ fixe tout point n'appartenant pas à  Ω,  σ fixe tout point n'appartenant pas à  Ω. Nous supposons de plus que  σ fixe tout point de  Ω, donc  σ fixe tout point de E, donc est bien l'élément neutre de  SE. Ainsi, l'opération du groupe  <γ> sur  Ω est transitive et fidèle. Puisque ce groupe est cyclique, il est commutatif, donc, d’après un exercice sur les actions de groupe, l'action de  <γ> sur  Ω est simplement transitive, donc, pour tout élément x de  Ω, l’application orbitale fx:<γ>Ω:σσ(x) est une bijection. D'autre part, désignons par r l’ordre du groupe  <γ>; puisque ce groupe est cyclique avec  γ pour générateur, l’application de {0,1,,r1} dans  <γ> qui applique i sur  γi est une bijection. En composant les deux bijections trouvées, nous voyons que l’application de {0,1,,r1} dans  Ω qui applique i sur  γi(x) est une bijection, d'où l'énoncé.

Modèle:Définition

La précédente proposition permet de caractériser les cycles comme suit : soient E un ensemble fini et x1,,xn des points de E deux à deux distincts, avec n2; l'unique permutation de E qui applique  xi sur  xi+1 pour chaque  i<n et  xn sur  x1 et laisse fixes tous les autres points de E est un cycle de support {x1,,xn} et de longueur n, cycle que nous noterons

(x1xn) (sans virgules[1]);

réciproquement, tout cycle est de cette forme, et plus précisément, si γSE est un cycle de longueur n, si x est un élément du support de  γ, il existe un et un seul n-uplet (x1,,xn) de points de E tel que  x1=x et  γ=(x1xn).

Il est clair que la permutation inverse du n-cycle  (x1xn) est le n-cycle  (xnx1).

Si E est un ensemble fini et  σ une permutation de E, on peut écrire  σ comme produit de cycles à supports disjoints de la façon suivante : si  σ n’est pas la permutation identique, on choisit un élément  a1 de son support et on construit comme suit un premier cycle (x1,1x1,r1) de la décomposition de  σ : on pose

 x1,1=a1

et on calcule

 x1,2=σ(x1,1),,x1,r1=σ(x1,r11)

en s'arrêtant au premier nombre  r1 tel que  x1,r1+1=σ(x1,1). On obtient ainsi un premier cycle (x1,1x1,r1) de la décomposition de  σ, correspondant à une première  <σ>-orbite non ponctuelle {x1,1,,x1,r1}. Si cette orbite n’est pas le support de  σ tout entier, on choisit un élément  a2 du support n'appartenant pas à l'orbite et, comme à partir de  a1, on construit à partir de  a2 un second cycle (x2,1x2,r2), correspondant à une seconde orbite non ponctuelle de  σ. Si la réunion des deux orbites trouvées n’est pas le support tout entier, on poursuit jusqu'à ce qu'on ait trouvé toutes les orbites non ponctuelles de  σ. On obtient ainsi la décomposition canonique de  σ en produit de cycles :

σ=(x1,1x1,r1) (x2,1x2,r2) (xs,1xs,rs).

D'après ce qui précède, cette écriture est unique à l’ordre des facteurs près et, pour chaque facteur, au choix près du point de départ de l'énumération des éléments du support du cycle.

Il est parfois intéressant d'ajouter à la décomposition canonique d'une permutation la liste de ses points fixes; on parle alors de décomposition complète[2].

Nous appellerons structure cyclique d'une permutation l'énumération des longueurs des cycles intervenant dans sa décomposition canonique, chaque longueur apparaissant dans l'énumération autant de fois qu’il y a de cycles de cette longueur dans la décomposition. Par exemple, la permutation

 (1 3 2) (4 8) (5 9 6)

de l’ensemble  {1,2,3,4,5,6,7,8,9} a pour structure cyclique 2, 3, 3.

Effet d'une conjugaison sur un cycle

Soient E et F deux ensembles équipotents, f une bijection de E sur F. Nous avons vu que l’application Γf:SESF:σfσf1 définit un isomorphisme du groupe SE sur le groupe SF.
On vérifie facilement que si γSE est le cycle (a1 a2 ar), alors  Γf(γ) est le cycle (f(a1) f(a2) f(ar))SF.
Puisque Γf est un isomorphisme, Γf applique donc le produit de cycles SE

(a1,1 a1,2 a1,r1) (as,1 as,2 as,rs)

sur

(f(a1,1) f(a1,2) f(a1,r1)) (f(as,1) f(as,2) f(as,rs)).

En particulier, si F = E, si f est la permutation  σ de E, nous trouvons que le conjugué σ(a1 a2 ar)σ1 du cycle (a1 a2 ar)SE est le cycle (σ(a1) σ(a2) σ(ar))SE.
De même, le produit de cycles

(a1,1 a1,2 a1,r1) (as,1 as,2 as,rs)

a pour conjugué par  σ

(σ(a1,1) σ(a1,2) σ(a1,r1)) (σ(as,1) σ(as,2) σ(as,rs)).

Si les facteurs du premier produit ont des supports deux à deux disjoints, il en est de même des facteurs du second produit. On en tire facilement que deux permutations d'un même ensemble fini E sont conjuguées dans  SE si et seulement si elles ont la même structure cyclique. En particulier, puisque l'inverse d'un cycle est un cycle de même longueur et de même support, une permutation et son inverse sont toujours conjuguées.

Transpositions

Modèle:Définition

La transposition (a b) est donc l'unique transposition SE qui échange a et b.

Modèle:Lemme

Démonstration. On vérifie facilement que le cycle (a1ar) est égal à

(a1 ar)(a1 ar1)(a1 a2).

Modèle:Théorème

Démonstration. Nous avons vu qu'une telle permutation est un produit de cycles et nous venons de voir qu'un cycle est un produit de transpositions.

Remarque. Voici une démonstration qui n'utilise pas la décomposition en cycles. Soit σ une permutation d'un ensemble fini E ; nous allons prouver que σ est décomposable en transpositions, en raisonnant par récurrence sur le cardinal du support de σ. Si ce cardinal est nul, σ est la permutation identique et est donc le produit de la famille vide de transpositions. Sinon, le support de σ n’est pas vide. Choisissons un élément a de ce support et posons b=σ(a). Comme déjà noté, b appartient aussi au support de σ. Tout point fixe de σ est distinct de a et de b, donc est point fixe de (a b)σ ; de plus, il est clair que a est également point fixe de (a b)σ. Donc (a b)σ a strictement plus de points fixes que σ, autrement dit, le support de (a b)σ a strictement moins d'éléments que celui de σ. Par hypothèse de récurrence, (a b)σ est décomposable en produit de permutations, donc σ, qui peut s'écrire (a b)((a b)σ), l'est aussi. (On aurait aussi pu raisonner par récurrence sur le cardinal de E.)

Notons maintenant que la multiplication dans Z induit sur la partie {1,1} de Z une loi de composition interne qui en fait un groupe cyclique d'ordre 2 dont –1 est générateur ; pour tout entier rationnel u, la condition (1)u=1 équivaut à ce que u soit pair ; pour tous entiers rationnels u et v, la condition (1)u=(1)v équivaut à ce que u et v aient la même parité (c'est-à-dire soient ou bien tous deux pairs ou bien tous deux impairs).

Quand on parlera du groupe {1,1}, il s'agira du groupe qu'on vient de considérer, qui peut aussi être défini comme le sous-groupe {1,1} du groupe multiplicatif des nombres rationnels non nuls.

Modèle:Théorème

Supposons d’abord E={1,2,,n} pour un certain nombre naturel n. Pour toute permutation σ de {1,2,,n}, nous dirons qu'une paire d'éléments de {1,2,,n} est une inversion de σ si, i désignant le plus petit élément de cette paire et j le plus grand, σi>σj. Soient σ et τ deux permutations de {1,2,,n} et {i,j} une paire d'éléments de {1,2,,n}. Il est clair que {i,j} est une inversion de στ si et seulement si une des deux conditions suivantes est satisfaite :

{i,j} est une inversion de τ et {τ(i,τ(j))} n’est pas une inversion de σ ;
{i,j} n’est pas une inversion de τ et {τ(i,τ(j))} est une inversion de σ.

Nous allons définir un homomorphisme de SE dans le groupe {1,1}.

Pour toute permutation σ de E et toute paire P d'éléments de E, définissons νσ(P) comme égal à –1 si P est une inversion de σ et à 1 dans le cas contraire. D'après ce qui précède, nous avons toujours

νστ(P)=νσ(τ(P))ντ(P),

τ(P) désigne la paire formée par les images par τ des deux éléments de P.

En prenant le produit sur l’ensemble 𝒫 des paires d'éléments de P, nous trouvons

P𝒫νστ(P)=P𝒫νσ(τ(P))P𝒫ντ(P).

L'application Pτ(P) est une permutation de l'index 𝒫, donc le produit P𝒫νσ(τ(P)) peut s'écrire P𝒫νσ(P), d'où

P𝒫νστ(P)=P𝒫νσ(P)P𝒫ντ(P).

Ceci montre que l'application

σP𝒫νσ(P)

est un homomorphisme de Sn dans {1,1}.

Il est clair que cet homomorphisme peut s'écrire

σ(1)inv(σ),

inv(σ) désigne le nombre d'inversions de σ. Montrons maintenant que cet homomorphisme applique toute transposition sur -1. Il s'agit de prouver que le nombre d'inversions d'une transposition est toujours impair. Soit (a b) une transposition, avec a < b. Les inversions de cette permutation sont la paire {a, b}, les paires {a,i} avec a<i<b, et les paires {i,b}, avec a<i<b. Le nombre des inversions de (a b) est donc 1+2(b1a), qui est bien impair.

Nous avons donc prouvé qu’il existe un homomorphisme de Sn dans {1,1} qui applique toute transposition sur -1. Un tel homomorphisme est unique, puisque les transpositions engendrent Sn. Pour toute permutation σSn, désignons par ϵ(σ) l'image de σ par cet homomorphisme.

Passons maintenant au cas général d'un ensemble fini E. Soit n le cardinal de E. Choisissons une bijection f de E sur {1,2,,n}. Nous avons vu que l'application

Γf:SESn:σfσf1

est un isomorphisme de groupes qui applique tout cycle sur un cycle de même longueur et, en particulier, applique donc toute transposition sur une transposition. Le composé ϵΓf est donc un homomorphisme de SE dans {1,1} qui applique toute transposition sur –1. Ici encore, puisque les transpositions engendrent SE, un tel homomorphisme est unique. Nous désignerons encore par ϵ(σ) l'image de σ par cet homomorphisme.

Si une permutation σ de E peut s'écrire

σ=τ1τr1

et

σ=φ1φs,

les τi et les φj étant des transpositions, le passage aux valeurs par ϵ donne (1)r=(1)s, donc r et s ont même parité.

Modèle:Remarque

Modèle:Définition

Un cycle est une permutation paire si et seulement si sa longueur est impaire ; en effet, nous avons vu qu'un cycle de longueur r est le produit de r – 1 transpositions.

Si σ est un élément d'ordre impair du groupe SE, c’est une permutation paire ; en effet, puisque ϵ définit un homomorphisme de SE dans {1,1}, l’ordre de ϵ(σ) divise celui de σ et est donc impair ; or le seul élément d'ordre impair dans {1,1} est 1, donc ϵ(σ)=1, donc σ est une permutation paire.

La converse n’est pas vraie : un élément d'ordre pair du groupe SE n’est pas forcément une permutation impaire. Par exemple, si E comprend aux moins quatre éléments différents a, b, c, d, la permutation (a b) (c d) de E a pour ordre le ppcm des ordres de (a b) et de (c d), autrement dit est d'ordre 2 et donc pair, et pourtant c’est une permutation paire.

Ce qui précède montre que pour calculer ϵ(σ), il n’est pas nécessaire de faire un long relevé d'inversions. Tout d’abord, si on connaît une décomposition de σ en produit de transpositions, ϵ(σ) est égal à 1 ou à –1 selon que le nombre de facteurs est pair ou impair.

Il suffit même de trouver la décomposition de σ en produit de cycles à supports disjoints : la signature de σ est le produit des signatures de ces cycles, et, d’après un résultat précédent, la signature d'un cycle γ est (1)l(γ)1, où l(γ) désigne la longueur de γ. Il est clair qu'on peut même se contenter de connaître les cardinaux des σ-orbites. Enfin, si Ω désigne l’ensemble des σ-orbites non ponctuelles,

ωΩ(Card(ω)1) = ωΩ(Card(ω)1),

Ω désigne l’ensemble de toutes les orbites, y compris les orbites ponctuelles ; le second membre est égal à nt, où n = Card(E) et où t est le nombre des <σ>-orbites, y compris les σ-orbites ponctuelles. On a donc

ϵ(σ)=(1)nt.

(Ceci fournit d'ailleurs une définition alternative de la signature d'une permutation.)

La notion de signature d'une permutation intervient en algèbre linéaire, dans l'étude des déterminants.

Notes et références

  1. Pas de virgules dans N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 5, exerc. 12, b, Paris, 1970, p. 131; dans J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4Modèle:E éd., New York, tirage de 1999, p. 3; virgules dans J. Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, 1984, p. 108; dans P. Tauvel, Algèbre, 2Modèle:E éd., Paris, 2005, p. 60...
  2. J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4Modèle:E édition, tirage de 1999, p. 6.

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